Aimé Guertin : un député à la défense de la classe ouvrière

ouimet-raymond Par Le 29/11/2022

Dans Biographies

Il y a dans notre histoire des députés qui sont passés presque inaperçus tant ils ont été silencieux, et d’autres qui, malgré la brièveté de leurs mandats, ont marqué l’histoire. C’est le cas d’Aimé Guertin. Sixième d’une famille qui comptera douze enfants, il naît à Aylmer le 7 juin 1898 du mariage de Timothée Guertin, commerçant, et de Lina Bélanger. Aimé quitte l’école en sixième année pour aller travailler comme chasseur à l’hôtel Victoria d’Aylmer. Puis il occupe divers emplois jusqu’au jour où il entre au Canadian Pacific Railway (CPR), en 1916, où il acquiert une formation en télégraphie.

Parfaitement bilingue, Aimé Guertin compense son manque de diplômes par une constante autodidaxie. Sa curiosité naturelle et sa discipline en feront plus tard un orateur de grand talent. Fier francophone, Guertin n’a pas froid aux yeux et participe à la lutte contre l’inique Règlement 17 qui restreint les droits de francophones en Ontario. Promu commis principal à Pembroke, Ontario, il y est accusé de sédition pour s’être porté à la défense de la langue française. C’est sans doute pour cette raison que le CPR le mute, ce qui l’amène à remplacer des agents de la compagnie dans diverses localités canadiennes de son réseau ferroviaire. Fatigué de ces voyages incessants, il démissionne en 1921 de son poste d’agent voyageur et devient simple commis à la gare de Hull-Ouest, rue Montcalm à Hull. Puis il épouse Aline Tremblay ; le couple aura douze enfants.

Une soif de justice

          Selon l’historien Pierre-Louis Lapointe, Aimé Guertin a soif de justice pour les siens et intervient en faveur du français chaque fois que l’occasion se présente : « Il prend parti contre les orangistes et tous ceux qui méprisent les Canadiens français, tant à Aylmer qu’ailleurs au Québec. » En 1925, il lance son entreprise de courtage en en assurances et deux ans plus tard, il est élu député du comté de Hull pour le Guertin aimeParti conservateur du Québec. Dès lors, il intervient avec force pour appuyer le combat des francophones du Pontiac pour le droit l’obtention du droit d’enseigner le français à leurs enfants. L’historien Lapointe a écrit : « Rarement aura-t-on vu un député de l’Outaouais occuper autant de place sur l’échiquier politique québécois. » Guertin est alors une étoile montante à Québec et le chef du parti, Arthur Sauvé le nomme whip des conservateurs dès 1928. Le député de Hull se fait le défenseur de l’ouvrier et l’instigateur de l’adoption de mesures sociales avant-gardistes tels le salaire minimum, la pension de vieillesse, les allocations familiales, la journée de travail de huit heures, etc. Et il n’hésite pas à pourfendre le capitalisme sauvage. Maurice Duplessis le traite de bolcheviste.

Un discours de huit heures

          Aimé Guertin est un homme combatif et les 1er et 2 avril 1931 il prononce un discours fleuve de huit heures dans le but d’obtenir des précisions sur les dépenses effectuées par le ministère de la Colonisation, de la Chasse et des Pêcheries.  Dans une lettre datant du 11 septembre 1933, Guertin manifeste clairement son refus d’appuyer le nouveau chef du Parti conservateur qui est nul autre que Maurice Duplessis. Cette décision ne l’empêche nullement de lutter pour la justice. Aussi, n’hésite-t-il pas à prononcer des allocutions bien senties en faveur des travailleurs de la forêt du Témiscamingue et de l’Abitibi contre la compagnie James MacLaren et contribue ainsi à l’adoption d’une réglementation qui rappelle à l’ordre les compagnies forestières, à l’augmentation des salaires et à l’amélioration des conditions de travail des forestiers. Guertin ne néglige pas son comté et il obtient l’Orphelinat Ville-Joie-Sainte-Thérèse ainsi que le Sanatorium Saint-Laurent, hôpital pour tuberculeux.

          Guertin est devenu l’adversaire de son cheuf, Duplessis, et préfère alors quitter la politique provinciale en 1935. L’Outaouais vient de perdre un député exceptionnel. Il tente sa chance au fédéral sous la bannière du Parti de la restauration nationale. Sans succès. Il abandonne alors la politique partisane pour se consacrer à grosse famille et à ses affaires. On l’approche à deux reprises pour qu’il présente sa candidature à la mairie de Hull, mais il refuse obstinément. Il devient l’un des plus importants courtiers d’assurance du Québec et fonde l’Agence de voyages Guertin.

          Bien qu’éloigné de la politique, il n’en demeure pas moins intéressé au développement de l’Outaouais. Il travaille à la création de la paroisse Sainte-Bernadette à Hull, fonde l’Union des Chambres de commerce de l’ouest du Québec dont il sera président jusqu’en 1949, lance l’idée de la création d’un diocèse en Outaouais, etc. En 1959, le premier ministre du Canada John Diefenbaker le nomme au comité exécutif de la Commission de la capitale nationale (CCN) où il s’y fait le gardien des intérêts de l’Outaouais. Puis il se prononce ouvertement en faveur de l’autonomie de l’Outaouais face à Ottawa et à la CCN, opinion qu’il réitérera en 1967 dans un mémoire qu’il rédige avec Égide Dandeneault sur l’intégrité du territoire du Québec.

Homme d’affaires averti, autodidacte, et franc, sa passion pour la justice sociale a fait d’Aimé Guertin l’un des meilleurs députés du comté de Hull au XXe siècle. Il est décédé dans l’ancienne ville de Hull le 8 juin 1970 et a été inhumé à Aylmer.

Sources :

Assemblée nationale du Québec, Aimé Guertin - Assemblée nationale du Québec (assnat.qc.ca)
BAnQ-Gatineau, fonds Aimé Guertin, P8.
LAPOINTE, Pierre, Louis, Aimé Guertin : le lion de l’Outaouais dans Hier encore, no 8, 2016, pages 15-21.

 
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