Le secret de Raoul Denonville, l'homme qui n'a jamais été

Par Le 18/05/2018

Dans Biographies

       Raoul Denonville : on ne sait rien ou presque de ce personnage sinon qu'il serait né au Québec au début des années 1890, un 27 avril. Mais aucun document, aucun recensement n’en fait état. Mais nous savons, par contre, qu'il avait une sœur qui vivait à Hull (aujourd'hui Gatineau). Du moins l'a-t-il prétendu. On a dit que son accent était celui des gens des Cantons de l'Est et même celui d'un Français. Mais tous ces dires ne sont que spéculation : personne ne sait ni ne connaît l'origine de Raoul Denonville. Chose certaine, il était unilingue français – certains ont même qualifié son français de « joual ». Il savait lire, puisqu'il possédait de très nombreux numéros de l'édition française du Reader's Digest.

       La Grande Guerre (1914-1918) battait son plein quand Raoul Denonville est arrivé à River Valley, comté de Nipissing, dans le Moyen Nord ontarien, accompagné de Wilfred Jean. Les gens de River Valley ont alors cru que les deux hommes étaient des soldats déserteurs venus du Québec. Quoi qu'il en soit, ils se sont installés dans une cabane en bois rond, en haut du lac Grassie, où ils ont habité pendant toute la guerre et même pendant quelque temps après la paix signée. Puis Wilfred Jean s'en est allé.

       Denonville a passé presque toute sa vie à faire du trappage etDenonville raoul001 il vendait ses maigres prises à LaFrance Furs à Sudbury. Mais il a aussi travaillé à la scierie de Cockburn au lac Emerald où il a été draveur. Ses collègues ont dit qu'il travaillait fort et même souvent plus fort que les autres employés.

       L'homme croyait dans la capacité de la nature pour guérir des maladies ; il se soignait avec des racines et des herbes, car il détestait les médecins, les hôpitaux, les aiguilles et les pilules. Il prétendait que les aiguilles donnaient le cancer, que les pilules n'avaient aucun pouvoir de guérison et que certains médecins empoisonnaient leurs patients. Quand ses yeux ont été affligés de la cataracte, il est allé se faire opérer à Sudbury, suffisamment loin de son bled, River Valley, pour conserver un secret, un secret qu'il n'a jamais dévoilé.

       Denonville ne consommait pas d'alcool, mais a fumé jusque dans la soixantaine avancée. Quand l'heure de la retraite est arrivée, il a refusé de demander la pension de sécurité de vieillesse, car il estimait que les contribuables étaient déjà suffisamment taxés sans qu'ils aient à le soutenir financièrement. Une bonne âme qui a réussi à le ramener à la raison l'a aidé à remplir les papiers nécessaires à l'obtention de la pension à laquelle tous les Canadiens ont droit.

       À la fin de sa vie, Raoul vivait dans une cabane en bois rond près de la rivière Temagami. De nombreux concitoyens croyaient qu'il cachait de l'argent dans sa masure ou encore dans la doublure de ses vêtements.

Une partie du secret éventée

       Le 4 mars 1970, on trouve Raoul Denonville sur le plancher de son petit logement où il est étendu depuis quelques jours, inconscient. Une ambulance le transporte à l'hôpital Saint-Jean-de-Brébeuf, à Sturgeons Falls, pour lui sauver la vie. On lui enlève ses vêtements bien qu'il lutte pour empêcher qu'on lui retire son pantalon. Stupéfaction : on découvre que Raoul est... une femme ! Pas question de divulguer cette découverte même quand le patient meurt le 14 mai 1970. Le code de déontologie des autorités hospitalières, des médecins, des prêtres et autres professionnels s'y oppose. Mais la nouvelle fera très rapidement son chemin bien que les médecins et, plus tard, la maison funéraire Théorêt inscrivent, sur les papiers officiels, que Denonville est un mâle.

       La police, qui ne sait pas encore de quoi il en retourne, procède à la fouille de la cabane du disparu. On y trouve un coffre marqué aux initiales A. H., une valise et des vêtements. Dans un garde-robe, il y a des souliers et des couvre-chaussures de femme, des vêtements ainsi qu'un manteau. On trouve aussi un petit anneau pour femme et rien d'autre. Pas de petits pécules ni même le nom d'un parent.

        Qui était Raoul Denonville ? Bien qu'elle soit décédée depuis 48 ans et que madame Florence Serré en ait fait un sujet de recherche, les origines de l'homme/femme de River Valley restent toujours un mystère. Aujourd'hui, Raoul Denonville repose dans le cimetière de River Valley dans une concession anonyme.

Sources :

LABELLE, Wayne, West Nipissing Ouest, "River Valley resident died with his secret", s.l. n.d., pages 122 et 123.
SERRÉ, Florence, communication à l'auteur en mars 2018.
The North Bay Nuggett (North Bay), 1er avril 1971, article de Wayne LaBelle du Nugget Sturgeon Bureau.

 

 

 
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