Créer un site internet

Blog

Petite histoire des hôpitaux de Gatineau

Par Le 04/12/2021

       C'est après la visite et une suggestion du couple vice-royal Lord et Lady Minto, en 1902, et grâce à l'appui financier de l'abbé François Michel, ancien curé de Buckingham, que l'hôpital Saint-Michel voit le jour à Buckingham dès 1906. Premier hôpital à voir le jour sur le territoire actuel de Gatineau et administré par les Sœurs grises de la Croix, il a alors une capacité de 25 lits. Agrandi en 1932, un nouvel hôpital de 134 lits est érigé de 1976 à 1979 sur le même site.

       Ce n'est que cinq ans après Buckingham qu'un hôpital voit le jour dans le secteur Hull. Au début des années 1910, la ville de Hull était la seule ville de cette importance, au Québec, à n’avoir ni hôpital, ni hospice, ni orphelinat (1928).Hopital saint michel buckingham

       Si la Ville de Hull a tant tardé à se doter d’un hôpital, c’est à cause de la dépendance de la petite ville industrielle et de son establishment à l’égard de la ville d’Ottawa. En effet, il apparaît plus facile aux dirigeants de l’époque de consommer des services chez sa voisine ottavienne qu’en développer dans leur propre ville, comportement qui affectera la Ville pendant la plus grande partie de son existence. Par exemple, l’ancien député-ministre Oswald Parent qualifiait d’utopique la création d’une université en Outaouais et estimait que les Hullois n’avaient qu’à se tourner vers les universités ottaviennes pour assurer leur instruction post-collégiale[1]. Enfin, le territoire de Hull faisait partie de l’archevêché d’Ottawa et les autorités religieuses privilégiaient alors les institutions ottaviennes.

       L'initiative de la construction d'un hôpital à Hull revient au Dr Edmond-Stanislas Aubry qui, le 29 décembre 1909, avait invité les Sœurs de la Charité de la Providence à établir un hôpital à Hull. Mais la communauté a décliné l’offre faute de personnel religieux suffisant pour assumer une nouvelle fondation. Le 22 novembre 1910, le Dr Joseph-Éloi Fontaine, alors maire de la ville de Hull, décidait d’aller de l’avant avec un projet à caractère social en faisant l’acquisition , au coût de 16 500 dollars, de la vaste résidence du juge Louis-Napoléon Champagne. La résidence de Louis-Napoléon Champagne était située rue Laurier, entre l’actuel pont Cartier-Macdonald et le monastère des Servantes Jésus-Marie.

       Malheureusement, le conseil hésite sur l’utilisation future de la résidence Champagne puisque la ville a besoin tant d’un hôpital, d’un hospice que d’un orphelinat. Embarrassé par la décision du maire à laquelle il avait pourtant donné son aval, le conseil décide alors de former une commission composée d’éminents citoyens : le curé Arthur Guertin et les Drs E.-S. Aubry et J.-Urgel Archambault. Le curé se dit incapable de participer à la réunion du comité, le Dr Aubry refuse d’en faire partie en disant : « Que les échevins qui ont favorisé cette transaction malheureuse supportent les responsabilités de leurs actions, leur déférence pour le public est un peu tardive pour être bien accueillie. » Enfin, le Dr Archambault déclare à son tour : « Je décline, car cette propriété n’aurait jamais dû, selon moi, être acquise par la cité. » Le projet ne faisait donc pas l’unanimité et pour cause : les trois médecins étaient aussi des politiciens : Aubry avait été maire en 1906, Fontaine de 1909 à 1911, et Archambault le sera en 1911-1912.

Enfin un hôpital

       Mais la politique a des raisons... Aussitôt élu, Urgel Archambault écrit à son tour aux Sœurs de la Charité de la Providence. Le 13 février 1911, l’archevêque d’Ottawa, Charles-Hugues Gauthier, autorise les religieuses à prendre en charge l’hôpital de Hull : elles doivent donc convertir, à leur frais, la résidence en un hôpital et de le faire fonctionner. C’est là la fondation de l’hôpital qui sera longtemps connu comme sous le nom d’hôpital du Sacré-Coeur.

       Trois religieuses arrivent à Hull au mois d’août 1911. Elles aménagent deux chambres à un lit, deux chambres à deux lits et deux salles pour les pauvres envers qui elles s’engagent à donner 825 jours d’hospitalisation gratuite, soit un total de 14 lits.

  Hopital sacre coeur vers 1940     La première patiente, une certaine dame Alexandre Simard, est admise à l’hôpital le 18 septembre 1911. Elle y mourra quelques semaines plus tard d’une affection cardiaque. Dès 1913, l’hôpital est incapable de répondre aux besoins des populations hulloise, aylmeroise et pointe-gatinoise. Aussi, les religieuses ajoutent-elles à l’ancienne résidence Champagne une aile comprenant 45 lits.

       Le 25 décembre 1928, l’hôpital est rasé par les flammes dans un incendie qui cause la mort d’une jeune religieuse, sœur Cécile (Marie Crevier) qui, n’écoutant que son courage, sauve de l’incendie des bébés de la pouponnière, et meurt en combattant les flammes. Après avoir remis à neuf les deux bâtiments lourdement endommagés, on ajoute une autre aile à l’hôpital. En 1948, l’hôpital compte pas moins de 175 lits, dont 31 berceaux.

De nouveaux hôpitaux

       1938 voit l'ouverture du sanatorium Saint-Laurent, pour tuberculeux, qui deviendra l'hôpital psychiatrique Pierre-Janet en 1966. En 1952, la Commission du district fédéral exproprie l’hôpital Sacré-Cœur de la rue Laurier. Un nouvel hôpital doit donc être construit. Il est érigé au coût de 3 600 000 dollars d’après les plans de l’architecte Lucien Sarra-Bournet ; les travaux débutent en 1955. L’hôpital de 345 lits (il devait en compter 500) reçoit ses premiers patients le 18 février 1958. Au mois d’août suivant, les démolisseurs rasaient l’ancien hôpital de la rue Laurier en même temps que la très belle « résidence » Champagne. Le 30 janvier 1974, les Sœurs de la Charité de la Providence cédaient l’hôpital du Sacré-Cœur au gouvernement du Québec contre une compensation financière de 184 172,46 dollars, pour 63 ans de loyaux services rendus à la population outaouaise.

       Mais dès les années 1970, l'hôpital Sacré-Cœur ne répond plus aux besoins sans cesse grandissants de la population outaouaise. Et c'est grâce à l'acharnement du député péquiste Jean Alfred qu'un nouvel hôpital de 300 lits est construit à Gatineau en 1980. Enfin, le gouvernement actuel prévoit la construction d'un nouvel hôpital de 600 lits dont la région a bien besoin.

SOURCES

BRAULT, Lucien, Hull 1800-1950, Ottawa, Les éditions de l’Université d’Ottawa, 1950.

LAPOINTE, Pierre-Louis, Du Sacré-Cœur au C.H.R.O, Hull, Centre hospitalier régional de l’Outaouais, 1986.

LAPOINTE, Pierre-Louis, Au coeur de la Basse-Lièvre, la ville de Buckingham de ses origines à nos jours 18241990, Buckingham, 1990.


[1] Le Droit (Gatineau-Ottawa), 12 mars 2011, éditorial de Jean Gagnon.

Hommage à Éléonore Gaudette, une femme de coeur

Par Le 10/09/2021

       Connaissez-vous l'île aux Allumettes ? Cette île, la plus grande de la rivière des Outaouais, est située à environ 140 kilomètres à l'ouest de Gatineau, au bout de la route 148. C'est le « père de la Nouvelle-France », Samuel de Champlain, qui en fit le premier la description en 1613, bien que l'île ait été explorée en 1610 par un premier Européen, Étienne Brûlé. La population autochtone de l'île, les Kichesipirinis de la nation algonquine, fut éliminée par les Iroquois dès 1650.

       C'est dans cette île, dont la population comptait alors un tiers de francophones, que naquit Éléonore Gaudette le 16 avril 1889 du mariage de Louis Gaudette et de Philomène Soucie. En 1911, celle que l'on surnommait « Lanore » épousa Isidore Mainville de qui elle aura treize enfants.Gaudette Éléonore

       Le couple Gaudette-Mainville vivait dans la maison de Zoé Chaput, mère d'Isidore Mainville, située dans le rang du Piquefort (4e rang). Chaque année, Éléonore voyait son mari partir dès l'automne pour les chantiers forestiers de l'Outaouais ou encore ceux du nord de l'Ontario. En février 1932, Éléonore avait dix enfants vivants, dont un âgé d'à peine cinq mois. Isidore travaillait, à ce moment-là, dans les chantiers de Gogama (Ontario) comme charretier.

       Le 8 février 1932, la famille Mainville apprit, par télégramme, la mort subite de l'un des siens dans les chantiers de Gogama : Édouard, 35 ans. Veuf, celui-ci avait quatre enfants placés dans deux familles différentes. Chagrinés, les enfants furent réunis chez une tante où le corps d'Édouard devait être exposé avant les funérailles qui seraient célébrées dans l'église paroissiale au village de Chapeau. Une des enfants, Rita, partie de Hull, a raconté qu'elle et ses parents nourriciers avaient pris train pour se rendre à Pembroke, Ontario, où un taxi les avait attendus pour les conduire à l'île aux Allumettes en traversant la rivière des Outaouais sur un pont de glace. Le jour avait déjà fait place à la nuit qui arrive tôt à cette époque de l'année. Comme il y avait un redoux, la glace de la rivière des Outaouais était recouverte d'eau par endroit. Néanmoins, le taxi s'aventura sur la rivière, ses portières ouvertes au cas où la glace céderait alors qu'aucun des passagers ne savait nager ! Or, le chauffeur était ivre et se perdit sur la rivière plongée dans le noir. Enfin, après plusieurs errements, le taxi parvint à laisser ses passagers au lieu prévu.

Un drame imprévu

       Toute la famille Mainville – et elle était grande – était réunie dans la maison dont le salon avait été préparé pour recevoir la dépouille d'Édouard que l'un des frères Mainville, Athanase, était parti « quérir » à la gare ferroviaire de Pembroke. Dans la maison surchauffée, on avait commencé à discuter de l'avenir des enfants du disparu. Après avoir longuement palabré, certains proposèrent de tout simplement placer les enfants dans un orphelinat, soit à Hull soit à Pembroke. Une femme, tante par alliance, s'y opposa : Éléonore Gaudette. « Il n'en est pas question », lança-t-elle avec autorité. « Je vais les prendre chez moi s'il le faut, mais on ne placera pas ces enfants dans un orphelinat ! » Voilà un bon cœur, pour ne pas dire une belle âme comme on le formulait à l'époque !

Mainville isidore       La discussion n'était pas achevée qu'arriva à la porte Athanase Mainville qui hésita à franchir le seuil. Il avait le visage couvert de sueur. Embarrassé sinon confus, il bégaya : « Il y a eu erreur : Édouard est vivant ! » Les enfants de celui-ci émirent des cris de joie. La voix tremblante, Athanase reprit son propos : « On a confondu les prénoms en écrivant le télégramme : c’est Isidore qui est mort. » La famille fut consternée. Des enfants se mirent à pleurer.

       Tout l'attirail funéraire fut déplacé de l'autre côté du chemin du Piquefort où Isidore, décédé à l'âge de 46 ans, fut veillé dans son lieu de résidence habituelle, maison de sa mère veuve depuis vingt ans. Quant à Éléonore Gaudette, elle éleva sa famille en compagnie de sa belle-mère sans jamais se remarier. L'abbé Harrington, qui deviendra curé de la paroisse de Chapeau, s'arrangea pour faire instruire l'aînée de la famille, Imelda, pour qu'elle devienne enseignante et puisse ainsi aider la famille à subsister. Quant aux enfants d'Édouard, ils retournèrent dans leur foyer nourricier respectif, au lieu de l'orphelinat, en attendant que leur père se remarie. La leçon d'Éléonore avait été retenue.

       Éléonore Gaudette vécut longtemps. Elle quitta ce monde à Peterborough, Ontario, le 2 juillet 1984 à l'âge de 95 ans, mais sera inhumée dans son milieu d'origine au côté de son mari. Deux de ses enfants vécurent plus longtemps qu'elle : sa fille aînée, Imelda, décédée à l'âge de 98 ans et Ange-Maie, qui a présentement 96 ans.

À la recherche d'une identité

Par Le 29/10/2013

Saviez-vous qu’après le sexe, la généalogie est le sujet le plus populaire sur Internet ? Quand on pense que, sans le sexe, nous n’existerions pas et, par conséquent, la généalogie non plus. Mais si on comprend pourquoi le sexe est si populaire plusieurs se demandent pourquoi la généalogie prend autant de place sur Internet. Sans doute tentons-nous, inconsciemment peut-être, de répondre à trois questions existentielles que l'humanité se pose depuis des millénaires : D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?

 

Et ces questions n’ont jamais été aussi importantes qu’en ce début de XXIe siècle, car tout change maintenant à un rythme effréné, ce qui fait qu’il est de plus en plus difficile de se faire des racines, de s’attacher ou de s’identifier à un lieu. Par exemple, pour une personne vivant à Deschênes depuis une trentaine d’années, son milieu de vie municipal en est à son troisième nom : Deschênes, Aylmer puis Gatineau (on peut dire la même chose de Janesville-Eastview-Vanier-Ottawa et de combien d’autres municipalités…) Ajoutons les multiples autres changements de noms, ceux des hôpitaux par exemple : Hôpital du Sacré-Cœur, CHRO, CHVO et ne parlons pas des commissions scolaires, des CLSC, etc. Même les biblios changent de nom à un rythme foudroyant, par exemple : la bibliothèque de Gatineau est devenue la bibliothèque Avenor, puis Bowater et maintenant Guy-Sanche. Tout ça en une douzaine d’années ! Difficile de se retrouver dans un monde gouverné presque essentiellement par le changement et des valeurs économiques, n’est-ce pas ?

 

Or, on ne peut pas vivre, comme individu, sans s'inscrire dans une lignée, une tradition et un groupe. On est de quelque part et le déracinement ainsi que la mobilité sociale ne font, paradoxalement, que stimuler ce désir de se rattacher à un lieu.

 

D'OÙ VENONS NOUS ?

 

Sur l'arbre de chacun de nous se trouvent perchés, souvent côte à côte, l'ouvrier et le paresseux, la sainte femme et la courtisane, le savant et l'idiot, le curé et le criminel, le notaire et le bourreau. Il n'y a pas de petits rôles dans la comédie humaine. Ne dit-on pas que ça prend de tout pour faire un monde?. Mathieu, l'évangéliste, qui connaissait les Écritures comme personne, nous fait découvrir des personnes peu recommandables dans son énumération des ascendants de Jésus : Thamar l'incestueuse, Rahab la prostituée, Bethsabée l'adultère. Et comme l'a si bien écrit Henri Guillemin : « C'est ainsi, et c'est très bien. Car Jésus-Christ a voulu appartenir au monde tel qu'il est, y compris les coupables. »

 

Wilfrid Raby, chercheur en neuropsychologie à Cleveland, a écrit que : « Nous sommes les récipiendaires d'un terreau génétique d'où peut surgir toute la splendeur de la culture comme toute la souffrance de vivre. »

 

La psychanalyse, toujours en recherche d’explications nouvelles à nos souffrances internes et à nos comportements, découvre petit à petit que des secrets que nous ignorons complètement peuvent nous imprégner et dicter nos conduites à notre insu. Sans rien savoir de ce qui nous a précédé, nous pouvons reproduire les actes, les pensées, les maladresses, les gestes parfois mortels.

 

          L'étude de la généalogie montre que la vie est très complexe. Chacun de nous doit son apparence physique, son comportement psychologique même, au mélange des gênes de milliers voire de millions de personnes. La psychiatre Catherine Bensaid croit que nous avons une mémoire trans-générationnelle qui influe sur chacun de nos actes : nous sommes ainsi conditionnés à répéter certains comportements identiques à ceux de nos ancêtres, à perpétuer à notre insu un mode de pensée emprunté à ceux qui nous ont précédés. Est-ce là ce que d'aucuns appellent le destin? Ajoutons que l'historien et académicien français Georges Duby était convaincu que : « Nous vivons encore portés par tout ce que nos ancêtres très lointains ont fait et pensé.»



.