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1957 : La grippe asiatique

Par Le 26/03/2020

Dans Histoire locale

          Depuis le début du mois de mars, nous sommes aux prises avec une épidémie, celle de la grippe COVID-19. Ce virus n’est pas le premier à frapper la région. Il y a eu celui de la grippe espagnole en 1918, de la grippe asiatique en 1957, de la grippe de Hong-Kong en 1968 et le SRAS en 2003. La grippe asiatique A(H2N2) a créé un véritable remue-ménage en Outaouais en 1957.

         Le 13 juin 1957, à la une, Le Devoir signale qu'une épidémie de grippe se propage à une vitesse foudroyante en Asie. Un biochimiste anglais écrit, dans le Lancet, que le nouveau virus pourrait être l'une des conséquences des retombées radioactives provenant des expériences nucléaires. Deux jours plus tard, voilà de premiers cas de grippe aux États-Unis provenant de voyageurs descendus de bateau quelques jours plus tôt à San Francisco.

     Jusqu'à la fin de juillet, on ne parle plus de grippe ; l'heure est aux vacances. Mais, bientôt, il faut y revenir. Le directeur adjoint de l'Institut microbiologique de Montréal, Jean Tassé, affirme que l'épidémie est la pire que le monde ait connue depuis la grippe espagnole de 1918 et on songe à fabriquer un vaccin. Il dit : « Bien que très peu ou pas de mortalités accompagne la propagation de la grippe, relativement peu de personnes ont pu l'éviter dans les pays affectés (sic). » L'Association médicale américaine souligne que la grippe touche maintenant « plusieurs villes américaines », mais qu'il n'y a pas lieu de s'alarmer pour l'instant.

Asiatique

        Ce n'est qu'à la mi-août que la grippe « asiatique » – on l'appelle ainsi pour la première fois – commence à occuper beaucoup d'espace dans la presse écrite. À Huntsville, au nord de Toronto, à l'occasion d'un grand rassemblement de 1600 jeunes filles venues de 16 pays fêter le centenaire de l'Association des guides du Canada, plus de 150 d'entre elles attrapent la grippe. Par bonheur, aucune n'en meurt. Les malaises sont toujours les mêmes : forte fièvre à l'occasion, maux de tête et de gorge, malaises musculaires, rhume. Mais rien de plus.

          Au tout début de septembre, un paquebot en provenance du Havre (France) et de Southampton (Angleterre), l'Ivernia, jette l’ancre à Québec. Soixante-quatre des 945 passagers sont atteints de la grippe. On oblige ceux-ci à débarquer et à se faire soigner dans quatre hôpitaux de la région. Le bateau file à Montréal et cinq autres passagers présentent les mêmes symptômes à leur descente.Grippe 1957

      Le 8 septembre, une semaine après la rentrée scolaire, le Séminaire de Trois-Rivières ferme ses portes à cause de l'épidémie de grippe et les 350 pensionnaires sont isolés pour une période de temps indéfinie.

Au Québec et en Ontario

      À Hull, on fait état de nombreuses absences dans la semaine du 15 septembre. Le 16 septembre on ferme l’école Larocque de même qu’une école à Masham. À Ottawa, le taux d’absence est resté au beau fixe. Mais on ne parle pas encore d’épidémie au Canada. Pourtant, à Sudbury, il y a déjà 5 000 personnes touchées par la grippe asiatique. À Kirkland Lake, le taux d’absence des élèves des écoles de la ville est de 25 p. 100. Le 20 septembre, on signale trois morts en Ontario. Ottawa est touchée : 1 200 élèves sont grippés. Le lendemain, on estime qu’un Ottavien par foyer et la moitié des infirmières des hôpitaux de la ville sont aux prises avec le virus A(H2N2). On ferme de plus en plus d’écoles pour arrêter la progression du virus : le 23 septembre c’est au tour de toutes les écoles d’Aylmer.

      Au mois d’octobre, le taux d’absence dans les écoles d’Ottawa est de l’ordre de 10 %. À Hull, la situation s’aggrave ; les religieuses ferment l’hôpital du Sacré-Cœur le 1er octobre et n’acceptent plus que les cas d’extrême urgence et de maternité. Le lendemain, c’est au tour de l’hôpital Général d’Ottawa de fermer ses portes. Le 3 octobre, on ferme les 18 écoles de Hull.

      Heureusement, il y a fort peu de décès. Le 4 octobre, on en dénombre 8 en Ontario, 4 au Québec, et 1 en Colombie-Britannique. On commence à vacciner la population, mais on n’a pas commandé suffisamment de vaccins pour inoculer l’ensemble de la population. Le vaccin est diffusé par priorité : d’abord les employés des hôpitaux et… la famille royale qui arrivera à Ottawa à la mi-octobre.

      Le remède miracle n’existe pas. Les standards téléphoniques des Unités sanitaires du Québec et les pharmacies sont débordés d’appels. Il y a des ventes records d’aspirines et de désinfectants. Les religieuses du couvent Sainte-Jeanne-d'Arc de Shawinigan auraient trouvé le remède miracle : porter sur soi un morceau de camphre. « Il semble que toutes les élèves aient profité du conseil. Quelques rares cas de grippe ont été signalés », écrit le quotidien Le Nouvelliste.

      Dès le 10 octobre, l’épidémie de grippe asiatique s’affaiblit en Outaouais. Les journaux en parlent de moins en moins et consacrent leurs premières pages à la visite royale. Le 15 octobre la reine Elizabeth II passe à Hull en coup de vent. Ce jour-là, toutes les écoles de la ville ont ouvert leurs portes et les élèves de l’Île de Hull sont massés sur le parcours du couple royal pour accueillir Sa Majesté.

La mortalité

      On estime que, dans le monde, la grippe asiatique a fait environ 1 500 000 morts, dont 98 000 aux États unis. Et selon le journal Le Droit du 22 octobre 1957, il n’y aurait eu que 52 mortalités au Canada, dont 26 en Ontario et 11 au Québec.

SOURCES

Le Devoir (Montréal), 22 août 2009.

Le Droit (Ottawa), septembre et octobre 1957

Le Nouvelliste (Trois-Rivières), septembre et octobre 1957.

La Presse (Montréal), septembre et octobre 1957

 

 
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