La Fête nationale de 1911

ouimet-raymond Par Le 17/06/2023

Dans Histoire locale

            Il fut une époque où le nationalisme était fort en vogue dans l’ancienne ville de Hull. Au début du XXe siècle, notre Fête nationale était célébrée avec faste, et ce, pendant plusieurs jours même. Il y avait alors une section de la Société Saint-Jean-Baptiste à Hull – il y en aura même une à Masson dont le monument a été détruit il y a quelques années dans l’indifférence générale – qui invitait tout l’Outaouais à « […] affirmer d’une manière bien éclatante l’existence du peuple Canadien français […] » tout en donnant l’assurance de sa loyauté à la couronne britannique. Cela dit, déjà, les Canadiens-Français, dont ceux de Hull et de sa banlieue, savaient qu’ils faisaient partie d’une nation francophone !

          En 1911, un comité d’organisation, présidé par un certain Joseph Normand, orchestra une superbe « Fête nationale des Canadiens-Français » qui eut lieu à Hull les 24, 25 et 26 juin. Toute la population de la région, y compris celle d’Ottawa et de sa banlieue, avait été conviée aux célébrations qui promettaient d’être grandioses. De fait, plus de 40 000 personnes y assisteront ! Pendant des jours, des semaines, plus de deux cents bénévoles préparèrent la fête en fabriquant des costumes, en construisant des chars allégoriques et des arcs de triomphe le long d’un parcours où furent appelés à défiler quelques centaines de participants.

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         La fête commença le samedi 24 juin quand les cadets du Collège Notre-Dame circulèrent dans la ville à bord d’un tramway de la Hull Electric « en faisant entendre sur tout le parcours des chants patriotiques », et ce, pour inviter la population à participer à de grands feux de la Saint-Jean dans deux ou trois endroits de la ville. Des centaines d’édifices et des maisons étaient décorés et pavoisés à profusion et donnaient à l’île de Hull « un coup d’œil féérique».

Les festivités les plus imposantes eurent lieu le dimanche 25 juin – le dimanche était le seul jour férié de la semaine – avec une grand-messe en plein air, accompagnée d’un chœur de 300 voix et d’une fanfare, dans la cour du Collège Notre-Dame, qui était situé dans l’actuelle rue Hôtel-de-Ville. La messe fut célébrée par un certain Père Lambert assisté de deux autres prêtres ; le Père Arthur Guertin, curé de la paroisse Notre-Dame-de-Grâce et fervent nationaliste, prononça le sermon dans lequel il fit l’éloge du français et de la religion catholique.

Un défilé grandiose

          Il était onze heures quand le défilé tant attendu se mit en branle pour parader dans quatorze rues de la ville, soit de la rue Albion (Dollard-des-Ormeaux), jusqu’au parc Dupuis, rue Adélaîde (Sacré-Cœur). Le défilé comprenait six fanfares, dont quatre d’Ottawa, une de Montréal et une de Hull, dix-huit chars allégoriques, tirés par deux, quatre, voire six chevaux, soulignaient les grands personnages et les accomplissements de nos ancêtres. Le premier, rendait hommage à Jacques-Cartier et à Donnacona, un autre à Champlain, puis un autre à Madeleine de Verchère, ensuite à Frontenac, etc. Plus d’une centaine de piétons et de cavaliers représentaient les gouverneurs de la Nouvelle-France, d’autres le Cercle Reboul, celui de Brébeuf, Duhamel, Mazenod, etc., qui se firent une gloire de précéder le char qui rendait hommage à Dollard des Ormeaux

          À l’Arc de triomphe de la paroisse du Très-Saint-Rédempteur, des enfants entonnaient des chants joyeux. Sur celui de la rue Saint-Étienne, où il était inscrit « Faisons revivre le passer pour y puiser des leçons de patience et de force », 86 fillettes, portant les couleurs nationales, chantaient à intervalles des chants français. À l’Arc de triomphe de la rue Saint-Henri, on avait installé un petit saint Jean-Baptiste personnifié par… une fillette, Antonia Lacoste ! Et il semble bien que personne ne critiquât ce choix.

          Le défilé compta aussi de nombreuses autres organisations de la ville comme l’Alliance nationale, la Société des Artisans Canadiens-Français, l’Ordre des Forestiers catholique, la Société de tempérance, la Ligue antialcoolique, l’Union Saint-Joseph section Très-Saint-Rédempteur, etc. Des milliers de personnes, de chaque côté des rues assistèrent excités au défilé et firent connaître leur appréciation par des cris et de nombreux applaudissements. L’avant-dernier char rendait hommage aux femmes d’ici et avait pour nom « Vive la Canadienne ». Enfin, le dernier était celui de l’enfant saint Jean-Baptiste, personnifié par le fils d’un certain Arthur Courville.

          Le défilé s’acheva au parc Dupuis et fut suivi d’unSt j bte 1911 hull banquet sous la tente avec de nombreux chants et sept discours patriotiques. Celui du docteur Antonio Pelletier, fut très remarqué : il demanda à la Ville de franciser le nom des rues, ce qui ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd, puisque le maire Joseph Urgel Archambault y donnera suite. Puis, ce fut le moment des jeux comme partie de baseball entre un club de Hull et un autre d’Ottawa, de nombreuses courses à pied, de la souque à la corde, etc. Sur la place de l’hôtel de ville, on représenta « L’Attaque et prise du fort de Dollard par les Iroquois » suivit de la « Bataille de Châteauguay ».

Enfin, on invita la population à assister à une pièce de théâtre, donnée par le Cercle Saint-Jean, à la Salle Notre-Dame, à l’ascension d’un ballon et à un magnifique feu d’artifice. La Fête nationale se termina le lendemain avec le concert de diverses fanfares et la pièce de théâtre La famille sans nom. Jamais, de mémoire d’homme, les Hullois n’avaient assisté à une aussi grandiose Fête nationale.

          Puisse cette fierté qui animait nos élites d’affaires et politiques d’antan retombe sur celles d’aujourd’hui pour que l’on mette fin à l’anglicisation de notre ville.

Photographie :

George Courville personnifiait saint Jean-Baptiste.

Sources :

Album-Souvenir de la Fête Nationale des Canadiens-Français célébrée à Hull, les 24 – 25 – 26 juin 1911, Comité de la Saint-Jean-Baptiste de Hull, 1911.
Le Temps (Ottawa), 25, 26, et 27 juin 1911.

 

 
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