Les Benoît : une famille de pompiers

ouimet-raymond Par Le 20/11/2021

Dans Histoire locale

Maxime Benoît naît le 7 octobre 1834 à Saint-Constant. Comment cet homme en est-il venu à s’intéresser au monde des pompiers ? Sans doute son demi-frère, Zéphirin, y a-t-il été pour quelque chose puisque de simple pompier il est devenu chef du Service des incendies de Montréal. Quoi qu’il en soit, Maxime exerce les fonctions « d’inspecteur du feu » à Hull du 6 décembre 1875 au 22 février 1877. Le conseil municipal lui avait donné le mandat de réorganiser la compagnie des pompiers. Mais, comme les finances de la Ville étaient maigres, le conseil a décrété que Benoît «...devra se contenter du salaire que le Conseil voudra bien lui voter dans quelque temps [...] » On peut dire que Maxime Benoît a été le premier chef permanent des pompiers de Hull.

Maxime Benoît est congédié en février 1877 sans qu'aucune raison ne soit inscrite au procès-verbal de la réunion du conseil municipal. Il faut dire que la Ville, qui compte alors 7 000 habitants, est dans un état déplorable et que ses finances sont maigres ; une grave crise économique sévit au pays depuis quatre ans. Quoi qu’il en soit, Maxime quitte l’Outaouais et s’établit à Montréal ou il meurt en 1899.

Un héros chez les Hullois

Les exploits sinon l’uniforme de Maxime et de Zéphirin ont sans aucun doute influencé des enfants de la famille puisqu’un autre Benoît a marché dans les pas du chef des pompiers de Montréal, leur neveu Georges Francis qui joint les rangs Service incendies hull 1901du Montreal Fire Department en 1889. Né le 23 septembre 1869 à Châteauguay, dans l’État de New York, il est promu au poste de capitaine du corps de sauvetage en 1895, puis l’année suivante, capitaine de la caserne no 2, rue Saint-Gabriel. C’est alors qu’il démissionne pour aller à Chicago où il travaille comme pompier pendant un certain temps avant d'être remercié de ses services par suite d’une réorganisation du personnel. Il revient alors à Montréal où il reprend son ancien poste.

En 1899, la Ville de Hull décide de moderniser ses services de sécurité publique dirigés par l’homme-orchestre Ludger Genest qui est quelque peu débordé par un trop grand nombre de responsabilités. On lui laisse la direction de la police, mais on se met en quête d’un chef des pompiers. Mais qui choisir ? Bien que l’adjoint de Genest, Georges Tessier, soit capable de prendre la relève, le Conseil municipal décide de regarder ailleurs – là où l’herbe paraît plus verte –, et ce, par simple mimétisme sans doute. En effet, depuis toujours, les autorités hulloises n’ont de cesse de singer la capitale fédérale. Or, en 1897, la Ville d’Ottawa était allée chercher son chef des pompiers, Pierre Provost, à Montréal. Il fallait donc que Hull fasse pareil ! C’est ainsi que le conseil municipal dépêche deux de ses membres à Montréal pour demander au chef Zéphirin Benoît de l’éclairer de ses conseils. Benoît recommande alors aux édiles municipaux trois candidats – Benoît, Presseau et Richard – qui se montrent intéressé à diriger les pompiers de Hull à la condition expresse que le salaire autrefois versé à Genest soit majoré de 30% ! Le Conseil municipal de Hull accepte de consentir l’effort financier qui lui permet d’embaucher un homme de Montréal et choisit le neveu de Zéphirin Benoît, Georges Francis.

Benoît arrive à Hull auréolé du prestige des héros, car sa bravoure est légendaire. On dit qu'en 1893, il a sauvé la vie de trois enfants en les prenant dans ses bras pour les descendre, au moyen d'une échelle, du quatrième étage d'un édifice en flammes. Trois ans plus tard, il aurait sauvé la vie d'une femme en l'évacuant d'un troisième étage en feu. Très habile, il a un jour réussi à descendre les cinq étages d'un édifice en flammes le long d'un tuyau qui lui avait servi d'échelle !

       Sitôt en poste, le héros montréalais réussit à obtenir des fonds pour embaucher quatre nouveaux pompiers « forts et bien constitués et [...] supposés ne pas avoir plus de 30 ans » qu'il choisit parmi 80 candidats. L'arrivée de ces hommes porte à 9 l'effectif de la brigade des pompiers de Hull. Ensuite, le comité du feu recommande au conseil l'achat de 300 mètres de boyaux, d'une échelle télescopique de 15 mètres, d'un cheval de relais, de haches et de crochets au coût de 1 000 dollars. Tout en reconnaissant la nécessité de ces équipements, l'échevin Richard Alexis Helmer réussit à convaincre ses collègues du conseil que les revenus de la Ville sont insuffisants pour faire de telles dépenses. Il n'est évidemment pas question d'augmenter les taxes, les gros contribuables ne le permettraient pas. Mais à quoi bon avoir plus de pompiers s'ils n'ont pas l'équipement nécessaire ? Apparemment, c'est là une question que le conseil de l’époque ne se pose même pas !

Le Grand feu

       Le 26 avril 1900, vers 11 h du matin, commence un incendie rue Chaudière – le Grand Feu de 1900 – qui détruit, en une douzaine d’heures, environ 3 000 bâtiments à Hull et à Ottawa. Benoît a beau se démener comme le diable dans l’eau bénite, il n’a pas le matériel nécessaire pour freiner la course du pire incendie que la ville de Hull n’a jamais subi. Le Montréalais justifiera, encore une fois, sa réputation de brave homme : il sauve des flammes une fillette, mais doit être transporté dans un hôpital d'Ottawa tant il a respiré de fumée.

     Grand feu hull vi copie 2  Comme la ville de Hull est détruite à 40 p. 100 et ses citoyens considérablement appauvris, les autorités municipales décident de congédier le chef des pompiers le 4 février 1902 pour revenir à la situation d’antan avec Ludger Genest à la tête des services de sécurité. Benoît doit se trouver rapidement un nouvel emploi, car depuis le 8 janvier 1901, il est marié à... une Hulloise : Paméla Trudel. Benoît poursuit les autorités hulloises pour rupture de contrat et réussit à obtenir un dédommagement de 916 dollars. Entre-temps, il devient agent de la compagnie Knapp, fabricant de pompes à vapeur, puis quitte Hull pour Sault-Sainte-Marie, Ontario, où les autorités lui confient le commandement des pompiers de leur ville en septembre 1902. Benoît s’ennuie-t-il du Québec ? Peut-être bien, car il n’hésite pas un instant à postuler au poste de chef de la police et des pompiers de la ville de Maisonneuve (aujourd'hui un quartier de Montréal), poste qu’il obtient le 21 janvier 1903 à un salaire annuel réduit de 300 $ par rapport à celui qui lui était versé à Hull !

       Tous les espoirs sont permis à Georges Benoît qui doit sans doute rêver de succéder un jour à son oncle Zéphirin à la tête du corps des pompiers de Montréal, lequel d’ailleurs vient tout juste de prendre sa retraite. Mais voilà, le Destin en a décidé autrement et, au cours d’une enquête qu’il mène dans une affaire de vol en novembre 1908, il contracte la fièvre typhoïde qui l’emporte le 24 du même mois alors qu’il repose à l’hôpital Général de Montréal. À ses imposantes funérailles qui ont lieu à Maisonneuve trois jours plus tard, on remarque deux Hullois : son beau-frère, Ferdinand Trudel, et Napoléon Pagé du journal Le Spectateur.

Sources :

LEWIS, Françoise et CHARRAON, Huguette, Les débuts d’un chef : Zéphirin Benoît (s.l., s.d.).
Procès-verbaux du Conseil municipal de Hull, 1875-1902.
Le Temps (Ottawa), 1896-1902.
Le Spectateur (Hull), 1889-1903.