Les cimetières de l'Outaouais

Par Le 08/06/2016

Dans Histoire locale

          C’est au cimetière que l’on se rend compte que la vie a une fin et que personne n’échappe à la mort. En dépit de son caractère définitif, il y a beaucoup à voir dans une nécropole, et même de très belles choses. Dans les cimetières reposent toutes les peines, tous les espoirs et toutes les vanités du genre humain ; l’homme y perpétue l’image qu’il se fait de lui. Fidèle reflet de nos villes, le cimetière immortalise l’individu, mais aussi sa classe sociale et parfois son appartenance ethnique. On trouve là des stèles de toutes les époques de notre histoire locale, des pierres qui marquent les lieux de sépulture d’illustres personnages d’autrefois, des croix de fer si rouillées qu’on n’y distingue plus les noms qui y ont été gravés jadis et, bien souvent, une fosse commune où on y ensevelit les sans-le-sou, les plus humbles de notre société où les pendus, et les individus non identifiés.

          Longtemps, les morts ont été inhumés dans un cimetière qui était situé tout autour de l’église. À cause de la communion qui unit tous les fidèles, l’Église désirait que les morts demeurent près des vivants. Les « meilleures places » étaient celles qui entouraient le mur de l’église, car elles « reçoivent la pluie du ciel qui a dégouliné sur le toit d’un édifice béni… »

          On a aussi inhumé dans les églises. La tradition veut que les plus pieux (ou les plus… riches ou encore les plus puissants…) soient enterrés le plus près possible du chœur et ainsi de suite par cercles concentriques jusqu’aux limites du cimetière. Dans la région, on trouve dans la cathédrale Notre-Dame, à Ottawa, les tombes des évêques et archevêques.

          Le silence de la mort n’a pas toujours été le principal attribut des cimetières. Cimetière Notre-Dame, Hull.Adjacents aux églises, les cimetières avaient, au moyen-âge, un droit de franchise et d’immunité. Ainsi, plus d’un délinquant y vivait de longues années pour échapper au châtiment des autorités (voir à ce sujet La Chambre des dames de Jeanne Bourrin) en vaquant à leurs activités de travail ou de loisirs. Les proscrits y tenaient donc des échoppes ; des foires et même des marchés saisonniers s’y tenaient épisodiquement.

          Nos cimetières regorgent d’art et d’histoire et pourtant nous les visitons si peu. Dans celui de Montebello, le calvaire est l’œuvre du réputé sculpteur sur bois Louis Jobin (1845-1928) dont l’atelier était situé à Sainte-Anne-de-Beaupré. Le Calvaire est composé de trois personnages : un Christ en croix, la Vierge et Marie-Madeleine. Jobin a aussi sculpté une sainte Anne en compagnie de sa fille Marie.

          On trouve encore dans nos cimetières le souvenir de nombreux personnages de notre histoire. Ainsi, dans le cimetière de St. James, boulevard Taché, à Hull, se dresse fièrement, dans un enclos borné par des clôtures de fer, un obélisque de granit rose qui indique le lieu de sépulture des fondateurs de Hull, Philemon Wright, et son épouse, Abigail Wyman. L’obélisque est entouré de monuments plus petits qui marquent les tombes de ses nombreux descendants. Une vieille pierre nous rappelle la mémoire du matelot, Reuben Traveller, qui a participé à la fameuse bataille navale de Trafalgar, en 1805, quand l'amiral Nelson a vaincu la flotte de Napoléon. L’escalier de pierre qui mène à la sépulture de la famille William Francis Scott, ancien maire de Hull, est envahi par des pousses d’arbres et d’arbustes. Plus ou moins bien entretenu, St. James ressemble de plus en plus à un décor pour films d’horreur.

          Boulevard Fournier, à Hull, se trouve le  cimetière Notre-Dame d’une superficie de 13 hectares ; malheureusement, il manque d’arbres comme plusieurs autres cimetières de l’Outaouais. On a commencé à y enterrer les morts en 1872 et de 1886 aux années 1930, on y aurait recueilli plus de 45 000 dépouilles ! Le portail d’entrée en pierre taillée a été construit en 1902 d’après les plans de l’architecte hullois, Charles Brodeur. Il est surmonté d’une statue de l’Ange de la mort sonnant la trompette du jugement dernier. Fabriquée en cuivre martelé, la statue a été réalisée par le fameux sculpteur montréalais Arthur Vincent, (1852-1903) dont c’est la dernière œuvre d’importance.

Pas aussi lugubre que l'on pense

          De nombreuses personnalités sont inhumées au cimetière Notre-Dame de Hull. Parmi celles de stature nationale, notons la comédienne, auteure et critique Laurette Larocque, mieux connue sous le nom de Jean Despréz (1906-1965), et le fondateur du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), Marcel Chaput (1918-1991). Parmi les personnalités locales, notons le père Louis-Étienne Reboul (1827-1877), fondateur de la paroisse de Hull ; l’acteur et metteur en scène René Provost (1903-1966), père du comédien Guy Provost ; la pianiste et poétesse Clara Lanctôt (1886-1958) ; l’allumettière Donalda Charron (1886-1967) qui a dirigé la fameuse grève des « faiseuses d’allumettes » de la E.B. Eddy en 1924 ; Marcelline Dumais (1850-1916), propriétaire de la maison où a commencé le Grand feu de Hull en 1900, le peintre Jean Alie (1925-1997), etc.

 Cimetière de Shawville         Chacun des cimetières de la région a ses particularités et ses célébrités. À Aylmer, le cimetière Saint-Paul est un véritable jardin public de 4,5 hectares. Créé en 1840, il invite les promeneurs à retrouver l’ancienne coutume de visiter ses morts. Dans le cimetière catholique de Buckingham, se trouve la tombe de deux syndicalistes assassinés le 8 octobre 1906 par les sbires de la MacLaren : Thomas Bélanger et François Thériault. À Bryson (Pontiac), une pierre noire en forme de deux cœurs enlacés rappelle le souvenir de la famille... Jolicoeur !

          Il n’y a pas que les grands cimetières, il y en a aussi des petits : dans le West Templeton Cemetery, chemin du rang 3 (sur le bord de l’autoroute 50), reposent les restes de quelques familles d’origine écossaise et plus particulièrement la famille Kerr. Route 148, près du Cheval blanc, se trouve un cimetière privé où sont inhumés les membres de la famille Dunning. Et rue de l’Épée, à Gatineau, on trouve un tout petit cimetière dans lequel il y a les tombes, des familles Barber, Davidson et Langford.

          Il y a aussi en Outaouais une chapelle funéraire privée, celle des Papineau. Construite en 1855 à Montebello, on y a inhumé non seulement le patriote Louis-Joseph Papineau et plusieurs de ses enfants, mais aussi son épouse, Julie, qui a fait l’objet d’une biographie et d’un roman à succès, ce dernier intitulé Le roman de Julie Papineau.

          Tout n'est pas lugubre dans un cimetière, loin de là. Il y a même de quoi sourire sinon rire. Par exemple, à l'entrée du cimetière de Shawville (Pontiac), une pancarte avertit le visiteur : « Entré (sic) à vos propres risques ». À Huberdeau se trouve la tombe d'un certain bien nommé « Mourez », au cimetière anglican de Papineauville on y a inhumé Joseph E. Tuer ! Et à Farrelton on peut voir le monument de Margaret Rose épouse de Norman Blue. Bref, les cimetières sont le miroir des territoires d'autrefois.

 
×