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Monsieur Cinéma : Donat Paquin

ouimet-raymond Par Le 15/01/2022

Dans Histoire locale

        La vie du Hullois Donat Paquin mérite d’être résumée parce qu’elle se confond avec l’histoire du cinéma local. Né dans l’ancienne ville de Hull (aujourd'hui Gatineau) le 26 janvier 1890 du mariage d’Isidore Paquin avec Salomé Charron, son père était propriétaire d’une manufacture de meubles. Donat étudie au Collège Notre-Dame qu’il quitte à l’âge de 12 ans pour s’initier au métier de la peinture de meubles qu’il pratique pendant 7 ans au salaire de 25 cents par jour. En dépit de la modestie de son salaire, il réussit à économiser pas moins de 325 dollars.

En 1905, le cinéma est en plein essor et le jeune Donat Paquin est fasciné par les projecteurs qu’il a vus dans un scope hullois. Il y voit une occasion d’affaires prometteuse, même si les « vues animées » le laissent relativement indifférent, dit-on. Au cours d’un voyage à Montréal, il voit un projecteur à vendre au coût de 225 dollars. Une idée germe dans son esprit : celle de parcourir les campagnes pour y montrer des « vues animées ». Il revient à Hull et demande conseil à son père qui le laisse libre d’agir à sa guise. Sans plus tarder, Donat achète le projecteur et quelques autres accessoires. Comme son père, le jeune homme a la bosse des affaires et sait agir au bon endroit au bon momentPaquin donat.

Après s’être initié au fonctionnement de la machine et avoir acquis un certain nombre de pellicules cinématographiques, Donat Paquin se rend dans les villages de l’Outaouais et de l’Est ontarien où il loue les salles municipales pour y montrer des films ; il n’a que 16 ans. Les spectateurs se pressent et n’hésitent pas à payer les 15 et même les 25 cents demandés alors qu’à Hull on peut assister aux représentations pour 5 ou 10 cents.

Les projecteurs de l’époque sont assez dangereux et souvent la pellicule, faite de nitrate, s’enflamme. Un simple incendie pouvait lui faire perdre tous ses investissements, ce qui faillit arriver en tournée, dans la salle de l’hôtel de ville du village d’Alfred, dans l’est de l’Ontario. Pendant la projection, le jeune homme avait remarqué que le curé du lieu jetait négligemment la cendre de son cigare sur le parquet. Cette cendre tombait aussi sur la pellicule, hautement inflammable, qui s’était amoncelée sur le plancher. Trop timide pour dire au curé de cesser de fumer, le projectionniste regardait le plancher chaque fois que la cendre du cigare tombait en poussière sur la pellicule qui, heureusement, ne s’est pas enflammée.

Après une seule tournée rurale de trois mois, Donat Paquin a fait un profit de 600 dollars et s’est remboursé le coût de l’équipement qu’il a acheté. C’est donc à la suite de profits accumulés au cours de tournées dans les campagnes de l’Outaouais et de l’Est ontarien que Paquin achètera, avec son père, le cinéma Ollie en 1910. Il n’a que 20 ans.

Il s’occupe de son premier cinéma à temps plein. « J’étais chauffeur, balayeur, opérateur, placier et comptable », disait-il. Son entrée dans le domaine de la projection de films étant un succès, il ne s’arrête pas en si bon chemin. En 1915, il fonde la compagnie Théâtre des nouveautés de Hull limitée et fait construire le nouveau cinéma/théâtre Éden.

Le cinéma parlant

       Le 1er août 1923, il acquiert l’Odéon devenu le Laurier au prix de 38 000 dollars. En 1927, il ferme son établissement pour l’été et y fait des rénovations et un agrandissement au coût de 43 000 dollars. Le cinéma/théâtre peut désormais accueillir 1 250 spectateurs. Donat Paquin est maintenant propriétaire de trois cinémas à Hull et d’un autre à Ottawa, le Français, aussi qualifié de Frog par les anglophones, qu’il a acheté en 1926. Construit en 1913 au coût de 100 000 dollars, le cinéma/théâtre Français est une des plus belles salles de la région et compte pas moins de 1 600 places !Banq n190 capitol 1

L’arrivée du cinéma parlant met fin aux beaux jours du cinéma muet. Pour continuer d’attirer des spectateurs et concurrencer les autres établissements, particulièrement ceux d’Ottawa, Paquin doit moderniser ses salles pour faire place au tout nouveau cinéma parlant et pour satisfaire aux nouvelles normes de sécurité imposées à la suite de l’incendie du Laurier Palace à Montréal. Il décide de concentrer ses efforts sur le cinéma/théâtre Laurier ainsi que le cinéma/théâtre Français et ferme ses deux autres salles, l’Éden et le National Biograph devenu le Capitol. C’est ainsi que le Laurier devient le premier cinéma à présenter des films sonores et parlant à Gatineau.

Une grande entreprise

En 1931, Paquin reprend l’expansion : il acquiert le cinéma Régent à Pointe-Gatineau au coût de 25 000 dollars. Six ans plus tard, il fait l’acquisition du cinéma Capitol à Aylmer, pour 30 000 dollars, dont il change le nom pour celui de Pix. En 1939, il achète au prix de 75 000 dollars le cinéma Victoria, au 1257, rue Wellington à Ottawa, une salle de 580 places construite en 1934. Il le revendra en 1948. Paquin est aussi directeur de l’Association des propriétaires de théâtres de la province de Québec dès 1928.

       À sa mort survenue le 20 mars 1958, Donat Paquin laisse un héritage considérable par un testament qu’il a rédigé un mois avant son décès. Propriétaire de 28 terrains dont 26 au centre-ville de Hull, il lègue aussi de l’argent sonnant. Bien qu’il ait précisé ses dernières volontés en spécifiant que, si un des légataires conteste son testament, il sera ipso facto considéré indigne et ne recevra rien, plusieurs clauses ne seront pas respectées. Très respectueux de son personnel, il avait demandé que son gérant, Paul-Hector Lafontaine, continue à gérer ses propriétés et prescrit : « Je veux et j’entends que mes employés aient l’usage de ma propriété à Miami pour trois mois i.e. (sic) décembre, janvier et février, sans payer de loyer, quant à la balance du temps, ce sera pour les membres de la famille. » Soulignons que Donat Paquin était le père de Pierrette, célèbre patineuse hulloise en son temps.

Sources

 BAnQ, N-190.
GUITARD, Michelle, Bâtiments patrimoniaux à Hull, pour le Service d’urbanisme de la Ville de Hull, 1997.
Personnalités de Chez Nous, Hull, Le Progrès de Hull, 1946.