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Petite histoire du parc Fontaine

ouimet-raymond Par Le 04/11/2022

Dans Histoire locale

Au cœur de l'île de Hull, à quelques minutes d'un centre-ville bétonné à l'excès, se trouve un havre de verdure : le parc Fontaine. Il y a à peine plus de cent ans, ce parc était un étang appelé Flora vraisemblablement en l'honneur de Flora Morrisson, épouse de Philemon Wright fils. C’était alors un lieu d’amusement. L’hiver, on y patinait sur ses eaux gelées et on y organisait même des courses de chevaux. L’été, on s’y promenait en canot ou en chaloupe. L’auteur Jean Provencher raconte, dans les Quatre Saisons, que le 5 mai 1889 :

Un lac de feu : tel est l’aspect que présentait le lac Flora dimanche soir. Par le fort vent qu’il faisait alors, cette petite nappe d’eau était devenue terriblement agitée, et les houles profondément creusées balayaient le fond marécageux, duquel s’élevaient un nombre incalculable de feux-follets.

On ne se préoccupait guère de la qualité de l’environnement au XIXe siècle. Au cours des années 1880, on a construit un certain nombre de rues autour du petit lac, lesquelles étaient inondées tous les printemps et automnes par la crue des eaux. En 1885, la Vallée d’Ottawa estimait que ce serait une bonne chose que de vider totalement l’étang, parce que sa mise à sec créerait de nouveaux terrains de bonne valeur. Parc fontaine 2La même année, la Ville a décidé d’abaisser le niveau de l’eau du lac, pour mettre fin aux inondations, en le vidant en partie au moyen d’un canal relié à la rivière des Outaouais. Malheureusement, cette opération de drainage a eu pour effet de laisser dans le lac une eau stagnante sur un fond de cinq mètres de vase. Vers 1895, les eaux du nouvel égout sanitaire de la rue Kent ont été dirigées vers le lac, ce qui a entraîné progressivement sa mort d’autant plus qu’à l’angle des rues Frontenac et Hélène-Duval, le purin d’une porcherie était régulièrement vidé dans un ruisseau qui l’alimentait.

Le lac à Foucault

À cette époque, on appelait le lac Flora le « lac à Foucault », du nom de l’entrepreneur chargé de la cueillette des ordures et des fosses d’aisances à Hull. Or, cet entrepreneur cherchait à gagner son argent le plus facilement possible et déchargeait les détritus de ses centaines de clients dans le lac. Avec le temps, le lac Flora est devenu un trou infect, un cloaque. En 1905, on a accusé ses eaux pestilentielles d’être à l’origine de l’épidémie de choléra qui sévissait parmi les enfants de la ville. En 1909, le journal Le Spectateur lançait, en vain, une campagne pour assainir le lac.

       Les autorités municipales ont continué à abaisser le niveau du lac et, en 1917, il était complètement asséché. Le creux a été comblé avec divers matériaux dont des déchets de toutes sortes. Pour empêcher les mauvaises odeurs d’empester le voisinage et contrôler la vermine qui y proliférait, on a embauché un homme chargé d’y répandre quotidiennement de la chaux. La Ville a alors offert le terrain vacant à la Canadian Pacific Railway pour y construire une gare ferroviaire, sans succès. Enfin, en 1927, la Commission du district fédéral aménageait l’ancien lac en parc. En 1936, les autorités ont nommé le nouveau terrain Fontaine, en l’honneur de l’ancien maire et député libéral Joseph-Éloi Fontaine. L’année suivante, on y fera l’inauguration d’un modeste terrain de jeu.

Un terrain de jeu

       Dès le début des années 1930, le parc Fontaine est devenu le rendez-vous des sportifs. En 1933, Léo Gratton y construira un stade de hockey en plein air, rue Charlevoix. C'est là que la fameuse patineuse hulloise Pierrette Paquin, s'est produite en spectacle à l'hiver de 1948. Les nombreuses activités qui s’y déroulaient ont font les belles heures de la population hulloise d’avant-guerre : boxe avec les Darky Fortier et les Battling Corneau ; balle-molle avec les Cabochons et les Chats noirs ; cirques, kermesses, pique-niques, etc. En 1947, la nouvelle Ligue commerciale de balle-molle de Hull, fondé par Marcel Lévis et Yvon Saint-Louis, voyait le jour et les équipes telles le Hull-Volant, le Lambert, le Transport Marcoux, etc. disputeront leurs parties au parc Fontaine jusqu’en 1962.

       En 1941, les Oblats avaient fondé le Terrain de jeu du parc Fontaine qu’ils avaient affilié à l’Œuvre des terrains de jeu de Hull (O.T.J.) et le parc a fait l'objet d'un second aménagement avec chalet, marquise, balançoires, glissoire et... niche à la Vierge, don du commerçant Josaphat Pharand. Le premier moniteur du terrain de jeu a été un certain Sylvio Huneault, assisté du futur prêtre oblat hullois, Roger Poirier. Les premiers maire et mairesse du terrain de jeu ont été, en 1949, Roger Marengère et Marie-Paule Bélanger.

 Parc fontaine 1949      En août 1949 et en juin 1961, le parc est redevenu momentanément un étang à la suite de pluies diluviennes qui ont entraîné l’affaissement du sol et la disparition de quelques arbres dans les profondeurs de ses entrailles.

       Pendant une vingtaine d’années, le parc Fontaine, ainsi aménagé, a fait la joie de la population de l'Île de Hull. Mais à partir des années 1960, on l'a laissé à lui-même au point qu’il est redevenu un terrain vague. En 1978, à la suite d'une lutte épique (cinq ans) entre la population du quartier, les autorités municipales, provinciales et fédérales, la Ville y entreprenait des travaux d’aménagements qui feront du parc Fontaine un lieu agréable pour enfants et adultes d’un quartier où les familles sont désormais la proie de la spéculation immobilière.

Sources :

Archives de la Ville de Gatineau.
HENDERSON, Rick, communication du 22 janvier 2021.
La Vallée d’Ottawa (Hull), 1884-1885.
Le Droit (Ottawa), 1913-1990.
Le Spectateur (Hull), 1889-1910.
PROVENCHER, Jean, Les Quatre Saisons, Un lac complet de feux follets | Les Quatre Saisons (jeanprovencher.com)