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Un amour fou, fou, fou !

ouimet-raymond Par Le 17/08/2022

Dans Histoire locale

      Qu’est-ce qu’un homme ne ferait pas pour épouser la femme de ses rêves ? Jean-Guy Lacroix, âgé de 19 ans, est amoureux fou d’une certaine Jacqueline N., âgée de 17 ans, qui lui rend bien son amour. Chaque jour, les deux tourtereaux trouvent le moyen de se rencontrer dans un endroit discret pour parler avec tendresse de leur bel amour et rêver doucement à leurs projets. Ils nourrissent l’ambition de se marier afin de vivre continuellement l’un près de l’autre.

      Il y a un obstacle à l'amour des tourtereaux : les parents de Jacqueline. Mais Jean-Guy est un homme déterminé et ne se décourage pas pour autant. Doué d’une imagination féconde, il ébauche dans son esprit un plan d’attaque qui l’obligera à exécuter des prouesses.

      Jean-Guy est un talentueux jeune homme débrouillard et plein d’idéaux. Il a obtenu des rôles dans de petites pièces de théâtre et  fait alors ses débuts à la radio, ce qui lui fait espérer de jouer un jour à la télévision. Peu de temps avant cette affaire, il s’est même rendu à Paris pour tenter fortune dans le monde artistique. Mais après un mois de vaines tentatives, il a dû rentrer chez lui.

      Au mois d’août 1954, il conçoit l’idée de tourner un court métrage pour la télé. Sa partenaire sera, il va sans dire, son amie Jacqueline qui possède une certaine expérience de la scène pour avoir joué avec Jean-Guy auparavant. Avec l’aide de deux camarades, Jean-Guy commence les prises de vue. L’intrigue tourne autour d’une jeune fille qui épouse un jeune homme sans le consentement de ses parents. À la fin de janvier 1955, tout est prêt pour la grande scène.

      Jean-Guy, qui habite à Hull, va rencontrer le curé de la paroisse Saint-François-de-Sales à Pointe-Gatineau, Antoine Lalonde, à qui il demande la permission de tourner la scène du mariage dans son église. Le curé n’y voit aucune objection et consent même à officier à la cérémonie. Flanqués du bedeau, qui sert de père au jeune homme, et de l’un des cameramen, André Croteau, qui sert de père à la jeune fille, les jeunes gens voient leur idylle scellée au pied de l’autel.

Une cérémonie bidon

      Ce n'était évidemment pas un vrai mariage. Le curé avait d'ailleurs pris soin de le souligner aux « époux ». Mais Jean-Guy voit dans ce petit bout de film une occasion merveilleuse de forcer la main des parents de Jacqueline. Aussi, muni d’un faux certificat de mariage, obtenu aux fins de l’histoire filmée, il se rend chez les parents de son amie et déclare à la mère que lui et sa fille sont bel et bien mariés, et que sa fille est même… enceinte !St frs de sales pte gatineau

      La mère n’a pas dû être trop contente. Mais, elle constate qu’elle ne peut plus résister à ce mariage et consent à ce que Jacqueline range tous ses effets personnels dans une valise et accompagne son « mari » à sa nouvelle demeure.

      Quand le père de Jacqueline apprend, de la bouche de sa femme, que sa fille est désormais mariée et, qui plus est, sans son consentement, il se dirige immédiatement chez les Lacroix et en ramène sa fille manu militari. Mais Jean-Guy a d’autres tours dans son sac. Et toujours aux fins du fameux film, il tourne une scène dans laquelle un avocat persuade la vedette féminine qu’elle est réellement mariée au jeune homme.

      Mais en allant reconduire la jeune fille chez lui, un certain Marcel Lévesque – il avait joué le rôle de l’avocat –, déclare tout bonnement à Jacqueline qu’il n’est pas du tout avocat et que les conseils qu'il lui a donnés venaient du scénario qu'on lui avait remis. Quelques jours plus tard, un « policier » aborde Jacqueline sur la rue et lui ordonne de le suivre chez son « mari ». Le hasard veut que le père de la jeune fille soit témoin de la scène et invite promptement le « policier » à lâcher sa fille.

      Quelques jours plus tard, un « huissier » se présente chez Jacqueline et lui remet un ordre de la cour, signé par un « juge » avec sceau du palais de justice, l’enjoignant à retourner auprès de son « mari » sous peine de poursuite judiciaire. Le père de Jacqueline entre de nouveau en scène : il remet le document à la police de Hull. Une enquête s’ensuit et des accusations sont portées contre Jean-Guy Lacroix dont l’enquête préliminaire se tient le 29 juin 1955 derrière des portes closes. Que s’y dit-il ? Je ne le sais pas. Mais le juge, Jacques Boucher, a rejeté la plainte et Jean-Guy a été libéré. Qu'est-il advenu du couple ? Je ne le sais pas. Mais peut-être qu'une lectrice ou un lecteur le saurait ?...

SOURCES

Allô Police (Montréal) 10 juillet 1955.
Annuaire de la ville de Hull, 1956.
Archives judiciaires, BAnQ-CAO.

 
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