Un service d'incendie mal aimé à Hull

Par Le 09/01/2020

Dans Histoire locale

           Le projet de construction d’une nouvelle caserne d’incendie dans l'ancienne Ville de Hull en 2011 a fait couler beaucoup d’encre. Ce n’était cependant pas la première fois que la construction d’un tel équipement était rejetée dans l’histoire de la ville. Bien souvent, quand on a voulu moderniser le service d’incendie, des voix se sont élevées pour en contester la nécessité.

          Le 10 août 1906, une partie de la ville de Hull était la proie des flammes ; 38 maisons avaient brûlé dans ce que l’on a appelé le « feu du calvaire ». C’était la troisième fois, en six ans, que les Hullois voyaient leur ville menacée de destruction ; en 1900, un incendie avait rasé plus de 1 300 bâtiments. En dépit de ces destructions, les autorités municipales font peu pour améliorer les services de lutte contre l’incendie qui n’ont qu’une seule caserne, une pompe à incendie manuelle et quelques voitures hippomobiles à échelles.

          Un seul politicien a compris qu'il faut de toute urgence améliorer la protection contre le feu : le docteur Urgel Archambault. Le docteur est relativement nouveau en politique, car il a fait son entrée au conseil municipal en janvier 1905 comme représentant du quartier 3. En 1907, il propose l'emprunt de 20 000 dollars pour la construction de deux casernes d'incendie, l'achat d'une pompe à vapeur et de l’équipement. Le conseil municipal adopte, du bout des lèvres, la proposition du médecin. L'emprunt devant être soumis par référendum à la population, on lui accole un autre règlement d'emprunt pour l'achat d'un nouveau concasseur, l'installation de nouvelles lumières électriques, etc., qui fait grimper le tout à 68 000 dollars alors que le budget de la municipalité n'est que de 108 000 dollars.Caserne no 3 1911 1912

          Douze jours après l'adoption de la proposition du docteur, des citoyens, sous le couvert de l'anonymat, engagent dans les journaux une lutte contre les dépenses prévues aux deux règlements d'emprunt, en prenant bien soin de ne pas contester l'utilité des achats envisagés par la ville. Ils clament bien fort que les pauvres feront les frais de l'emprunt, car on devra augmenter les taxes du fait que la construction de casernes provoquerait l'embauche de pompiers supplémentaires, parce qu'il est dangereux de confier une coûteuse pompe à vapeur à des pompiers inexpérimentés, parce que... n'importe quoi !

Un référendum

          La population n'a plus tellement confiance dans son conseil municipal. Celui-ci a engouffré plus d'un demi-million de dollars dans un nouveau système d'aqueduc peu efficace. On sait que des conseillers municipaux se servent de l'équipement de la ville pour leur propre entreprise, et ce, à des coûts de location franchement bon marché. On décide de tenir un référendum. Comme on le sait, le premier référendum de l'histoire a été remporté par Barabas contre Jésus ! Rien d'encourageant. Aussi, le référendum attendu a lieu le 2 octobre et le règlement d'emprunt pour l'amélioration du service d'incendie est battu par 368 voix contre 28 !

          Le conseil municipal se contente alors de voter un montant de 500 dollars pour continuer à louer, à Tétreauville, un hangar pour remiser la vieille pompe Victoria et un dévidoir à boyaux. Mais Urgel Archambault est tenace. Il sait que les conflagrations coûtent beaucoup plus cher à la collectivité qu'un emprunt d'une vingtaine de milliers de dollars. En juillet 1908, il propose de nouveau l'achat d'une pompe à incendie à vapeur, et ce, au grand dam de la majorité des membres du conseil municipal qui l'accuse de ne pas tenir compte de l'avis exprimé par les électeurs au référendum. Mais, à vrai dire, la population est partagée. Le conseil s'en tient cependant à l'amélioration de l'aqueduc, incapable de comprendre que l'une des nécessités n'exclue pas l'autre, mais la complète. Les compagnies d'assurances qui prennent encore le risque d'assurer des bâtiments hullois ne cessent d'accroître leurs primes et recommandent fortement au conseil, elles aussi, d'investir dans l'achat d'une pompe à vapeur. Mais, celui-ci fait encore la sourde oreille et rejette la proposition du docteur par un vote de 6 contre 4.

Une nouvelle ère

          En 1909, le docteur Archambault quitte la scène politique municipale. L’année suivante, l'échevin Joseph Gravelle, président du comité de police, feu et lumière prend la relève du docteur dans la campagne pour l'amélioration du service d'incendie, et propose l'achat d'une pompe à incendie. Enfin, le conseil adopte la proposition de Gravelle et la nouvelle pompe est mise à l'essai le 20 juin.

          En 1911, le docteur Urgel Archambault revient en politique et conquiert la mairie. Il n'attend pas de midi à quatorze heures pour mettre son programme électoral en oeuvre. Dès le printemps de la même année, il propose d'emprunter une somme de 42 000 dollars pour construire deux casernes d'incendie, acheter des chevaux et de l'équipement. Soumis à la population, le règlement reçoit l'assentiment de la majorité. Archambault porte ensuite le nombre de pompiers de 9 à 15. Les énergiques interventions du nouveau maire profitent rapidement à la ville de Hull, puisque des compagnies d'assurance diminuent leurs prix de 5% en 1912, année de l'ouverture des deux nouvelles casernes, et que la ville n'a plus subi de conflagrations depuis ce temps.

SOURCES :

Procès verbaux du conseil municial de Hull, 1906 à 1912, 2011.