Le malheureux destin de Mireille Balin

Par Le 07/09/2020

Dans Histoire générale

          Ma mère aimait beaucoup le cinéma français ce qui fait que pendant mon adolescence, j’ai visionné de nombreux films de France, à la télévision de Radio-Canada, films aujourd’hui méconnus et même inconnus au Québec. J’ai aimé ces films et ses acteurs, de Jean Gabin à Philippe Noiret, de Danielle Darrieux à Catherine Deneuve. Mais qui se souvient aujourd’hui, parmi les cinéphiles francophones, de l’actrice Mireille Balin ?

          Née à Monte-Carlo le 20 juillet 1909 dans une famille pauvre, un père typographe à la Tribune de Genève et une mère blanchisseuse originaire de Turin, Mireille Balin reçut une très bonne éducation à Paris où la famille s’était définitivement établie. La jeune fille manifesta tôt de bonnes dispositions pour les langues étrangères – italien, anglais et allemand – et étudia le piano. « Grande, le teint clair contrastant avec sa chevelure et ses yeux en amande, elle avait véritablement un port de reine », écrira plus tard Michel Azzopardi. Recrutée par le couturier Jean Patou, elle y est devenue une mannequin de renom.

          En 1933, Mireille fit ses débuts au cinéma dans la version du Don Quichotte du réalisateur autrichien Georg Wihelm Pabst. Ce qui devait être une expérience sans lendemain se transforma en véritable carrière. En 1936, ce fut la consécration quand elle joua, au côté du réputé Jean Gabin, dans le film Pépé le Moko. Désormais auréolée de prestige, elle fit connaissance avec le célèbre Tino Rossi en 1937 dont elle devint la maîtresse.Mireille balin

          En 1938, elle acheta une villa de 20 chambres à Cannes, qu’elle baptise Catari, titre d’une chanson de Tino Rossi. La villa avait eu trois propriétaires : deux s’étaient suicidés, le troisième s’était ruiné au jeu ! Si elle menait une vie mondaine fort active et  dans le luxe, elle était professionnellement très occupée : elle jouait dans deux ou trois films par année dans lesquels elle personnifiait le plus souvent des garces d’une grande noirceur. Puis ce fut la guerre.

          En 1941, elle fréquentait les soirées à l'ambassade d'Allemagne ; elle avait acheté un nouvel appartement avenue d'Iéna à Paris et rompu avec Tino Rossi. Mireille renoua alors avec un certain Birl Deissböck, jeune officier viennois de la Wehrmacht dont elle avait fait la connaissance en 1938. Ce fut le coup de foudre !

La déchéance 

        Elle continua à jouer au cinéma, mais à la libération de Paris en 1944, elle s’enfuyait avec son amant en direction de la frontière italienne où le couple se cacha dans la cave d’un immeuble à Beausoleil, près de Nice. Le 28 septembre, elle fut arrêtée, frappée et violée par des « résistants FFI »[i]. Birl Deissböck se fit collaborateurs auprès des forces étasuniennes, puis de la Défense et sécurité du territoire français[ii].

          Traînée à travers la ville, Mireille Balin fut jetée en prison. Libérée début 1945, son appartement avait été pillé, ses biens volés, elle fit une dépression. Sa vie, la carrière et sa santé étaient brisées. La plupart de ses anciennes relations l'évitaient. Le public se détourna d'elle également ; elle tourna son dernier film en 1947.

          Seule et criblée de dettes, elle fut obligée de vendre son appartement et la villa Catari, plongea dans l'alcool, et tomba malade – typhus, cirrhose, typhus. Dans un dénuement complet, marquée physiquement par la maladie, elle fut secourue par l'association La roue tourne qui aident les anciens artistes dans le besoin.

          C’est dans l’anonymat et la misère que Mireille Balin mourra à l’âge de 59 ans le 9 novembre 1968 à Clichy. L’association lui évita l’inhumation dans la fosse commune et à part le réalisateur Jean Dellannoy, aucune personnalité du spectacle n’assista à ses funérailles. Fernandel président d'honneur de l'association La roue tourne, et Tino Rossi, son ancien compagnon, contribuèrent en grande partie à payer l'enterrement et le caveau de l’ancienne vedette de cinéma.

SOURCES :

AZZOPARDI, Michel, Le temps des vamps : 1915-1965 : cinquante ans de sex-appeal, L'Harmattan, 1997, 484 p.
BERTRAND, Frank,Mireille Balin, la star foudroyée, Éd. Vaillant, 2014, 194 p.

GAUTELIER, Loic, Mireille Balin, éd. Les passagers du Rêve, 2019.
Wikipédia.


[i] Les violeurs seront condamnés à 18 ans de travaux forcés.
[ii] Birl Deissböck abandonna Mireille en 1947 et partit pour la Bavière où il décéda en 1997.

 

 

 
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