Petite histoire des prénoms

Par Le 06/11/2013

Dans Histoire générale

          Le prénom est un des plus importants éléments de l’identité d’une personne. Mais il ne sert pas qu’à nous identifier. Il contient les rêves, les espoirs de nos parents, et du monde dans lequel ils ont eux-mêmes grandi. Ainsi, un prénom peut-il être un lourd héritage.

           Ce n’est pas pour rien que les ouvrages sur la signification des prénoms sont si populaires. Chacun y puise un peu de son histoire. Une famille baigne dans un milieu, une ville, une province. Souvenez-vous de cette phrase de Jésus : « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église. » Ce prénom est toujours l’un des plus portés dans la chrétienté. Certains noms incarnent le mal. C’est le cas d’Adolf (Adolph Hitler) et de Séraphin (Séraphin Poudrier d’Un homme et son péché), désormais bannis. D’autres sont source de difficultés. Tous les « juniors », qu’ils s’appellent Pierre, Jean, Jacques, sont confrontés, selon certains psychologues, au narcissisme de leur père. L’enfant deviendrait alors projection du parent.

angelique-copie.jpg           À l’exception des citoyens romains, on a longtemps eu chez les Occidentaux des noms uniques. Au fil du premier millénaire, avec la christianisation, l’habitude de prendre des noms de saints s’est imposée. Ainsi est née la notion de « nom de baptême » alors porté à titre unique. Ce « nom de baptême », lié très étroitement au sacrement religieux, s’est vu rapidement contrôlé et réglementé par l’Église. Il devait d’abord avoir été porté par un saint patron qui devait protéger ceux à qui on donnait son nom. Rapidement, il a été attribué au nouveau-né par ses parrain et marraine et non par ses parents et a en fait bientôt été généralement la reprise des leurs, du moins pour un garçon du prénom de son parrain.

 Les prénoms androgynes

           Il en a résulté alors que tout prénom était dès lors considéré par principe comme androgyne, c’est-à-dire qu’il s’appliquait indifféremment aux filles comme aux garçons. Il y a d’abord eu Marie, prénom couramment donné à des hommes (on voit encore des Jean-Marie et des Gérard-Marie), mais aussi Joseph, parfois féminisé en Josephte et Josette. Chez les protestants, on a délaissé les noms de saints au profit des personnages de la Bible : David, Isaac, Judith, Rachel, Samuel… Et dès le début du XVIIIe siècle sont apparus les prénoms doubles, puis triples et multiples peut-être dans un souci de multiplier les saints protecteurs.

           Les citoyens romains avaient trois noms : le prénom, le nom et le nom de branche, ainsi Caïus (prénom personnel) Julius (nom de famille) et Cæsar (surnom d’une branche). Mais au cours des trois premiers siècles du second millénaire, donc longtemps après la chute de l’Empire romain d’Occident, et à la suite d’une grande explosion démographique, les homonymies, devenues trop fréquentes, ont entraîné, dans toute l’Europe occidentale, l’apparition de noms complémentaires. D’abord individuels, ceux-ci deviennent peu à peu héréditaires, donnant ainsi nos patronymes ou « noms de famille ».

          En Nouvelle-France, dès 1703, l’évêque du diocèse de Québec, Mgr de Saint-Vallier a donné le ton dans l’attribution des prénoms, en publiant le Rituel du diocèse de Québec qui comprenait une liste alphabétique des noms de saints et de saintes que l’on pouvait donner aux enfants, au baptême. On compte alors 1 251 prénoms masculins pour 373 féminins. Autant dire qu’il y avait plus de saints que de saintes – l’Église catholique n’est-elle pas un fief masculin ? N’empêche, nos ancêtres n’étaient pas toujours fidèles à cette liste : le prénom d’une fille sur cinq ne répondait pas aux souhaits de l’évêque de Québec.

 Les prénoms insolites

           En 1910, la Société de généalogie de Québec a fait appel à ses lecteurs pour établir la liste des douze prénoms les plus insolites relevés avant 1910. On a trouvé un Cénigraphe en 1873, une Énésumène en 1904, une Étichienne en 1878, un Auxibi en 1732 et une Permilon en 1915 (Nouveau-Brunswick). Mais la palme d’or revient à Ucal-Hysopompe Dandurand, trottier-philozor-1929-03-04.jpgriche financier de Montréal (courtier en immeubles) à la fin du XIXe siècle ! On le surnommait U.-H. pour des raisons évidentes.

           Aujourd’hui, quand le directeur de l’État civil du Québec juge que les prénoms proposés par les parents sont ridicules, il peut leur suggérer de modifier leur choix. En cas de refus, il peut s’adresser au procureur général qui peut demander à un tribunal de modifier le choix des parents, car : L’intérêt de l’enfant doit prévaloir sur le souci d’originalité des parents. On se souviendra de la fameuse affaire dans laquelle des parents avaient voulu nommer leur enfant Spatule. N’empêche, on trouve maintenant des Agassi, Caresse, Chenille, Fauve, Fiston, Narine, etc.

           Ailleurs au Canada, il semble que les autorités soient encore plus libérales, pour ne pas dire laxistes, quant aux choix des prénoms des enfants par les parents. Ainsi, en Colombie-Britannique, des parents ont enregistré leurs quatre premiers enfants sous les prénoms Repent of Your Sins (Repens-toi de tes péchés), Repent or Burn Forever (Repens-toi ou brûle pour toujours), Messiah Is Coming (Le Messie s’en vient) et Mashiah Hosannah. Le prénom de leur cinquième bébé, God’s Loving Kindness (La bonté de Dieu), a été… refusé !

 Sources :

 

L’Ancêtre, 2011.

BEAUCARNOT, Jean-Louis, « Le prénom : piège et atout » dans La revue française de généalogie, no 195, pages 47-49.

Documentation personnelle.

RICHER, Louis, « Les prénoms insolites » dans L’Ancêtre, no 294, pages 207et 208.

Documentation personnelle.

TROTTIER, Jean-Claude, carte mortuaire de Philozor Trottier.

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