Évasion à la prison de Bryson

ouimet-raymond Par Le 20/09/2022

Dans Histoire du Québec

       Bryson est un village du comté de Pontiac situé en face de l’Île-du-Grand-Calumet et qui, en 1909, était le siège du district judiciaire du comté. À ce titre, la municipalité comptait un palais de justice et une prison construits en 1895 par l’entrepreneur hullois Joseph Bourque.

       Le 31 août 1909, les autorités judiciaires y incarcéraient un certain Georges Guénette que l’on condamnera à quatre mois de prison avec travaux forcés le 9 septembre de la même année pour avoir commis un vol. Mais voilà, Guénette n’a pas l’intention de moisir longtemps en cellule aux frais du roi Édouard VII. En effet, ses vieux parents sont désargentés et ont besoin de sous, d’autant plus que le paternel est invalide. La prison ne compte alors que deux prisonniers, dont Guénette et un certain Thomas Newton écroué depuis le 12 juillet 1909 et condamné à trois mois de prison pour avoir obtenu de l’argent sous de mauvais prétextes.

       Depuis 16 ans, le geôlier Charles Delphis Blondin, 69 ans, gouverne la prison dont son épouse est la matrone. Le tourne-clef est William Bolam, 66 ans. La prison n’est pas totalement entourée d’un mur, qui est par ailleurs facile à franchir, et des fenêtres du bâtiment donnent sur l’extérieur du centre de détention alors que les portes des cellules sont verrouillées par un simple cadenas.

       Vers le 14 ou le 15 septembre, Guénette entre en communication, par la fenêtre de sa cellule, avec deux loustics. Il discute avec eux pendant au moins 45 minutes et leur montre un calendrier sur lequel il a souligné la date du 17. Cette date est bien choisie, parce que le geôlier est en congé du 11 au 18 septembre.

L’évasion

       Il est 18 heures, le 17 septembre, quand le tourne-clef sert le souper à ses prisonniers dans la salle de séjour de la prison, puis il quitte le bâtiment pour aller manger chez lui. De retour une demi-heure plus tard, il dessert la table des prisonniers auxquels il remet une lampe, puis va s’installer au bureau du shérif,07h p19s2d10p02 1 situé dans le même bâtiment.

       Pendant ce temps-là, le prisonnier Newton s’assoit dans le corridor des cellules pour y lire pendant que Guénette reste dans la salle de séjour pour y faire ses prières du soir comme à l’habitude. Mais ce soir-là, il prend plus de temps qu’à l’accoutumée. Aussi, Newton s’en inquiète-t-il, car il est déjà 19 heures 30, c’est-à-dire le temps de réintégrer les cellules. Il va donc aller voir ce que son compère brette. Il se rend compte que ce dernier n’est plus dans la salle et constate que les portes, habituellement cadenassées, sont ouvertes. Il se rend dans la cour où il n’y a pas âme qui vive. Il appelle d’un cri le tourne-clef qui vient tout juste de faire son entrée dans le bloc cellulaire pour y confiner les prisonniers.

       Averti de la fuite de Georges Guénette, le shérif adjoint, Cornelius McNally, alerte son père, le shérif Simon McNally, 81 ans, vers 22 heures. Le shérif adjoint se met de suite à la recherche du prisonnier en cavale et se rend à Campbell’s Bay où il croit que Guénette y prendra le train le lendemain matin. Quant au shérif, qui vit au village de l’Île-du-Grand-Calumet, il se rend à Bryson dès le lendemain pour y connaître les détails de l’évasion. Il se rend ensuite à Fort-Coulonge, lieu de rassemblement des hommes de chantier qui se préparent à partir en forêt ou cherchent à se faire embaucher, et alerte les autorités des différents villages des alentours, sans succès

       Le 30 septembre, l’inspecteur M. D. Woods lance une enquête sur l’évasion de Georges Guénette. On y apprend que la prison de Bryson a été mal conçue, que l’un des cadenas de la porte nord-ouest de la prison nécessite d’être verrouillé à double tour sinon, il est facilement ouvrable par un prisonnier qui passerait sa main à travers les barreaux de ladite porte. Qu’en grimpant sur les tambours des portes, un prisonnier peut facilement franchir le mur de l’enceinte de la prison ; que les prisonniers n’ont pas d’uniforme ; que le geôlier prenait en pitié Georges Guénette et que le tourne-clef n’avait pas vérifié que les portes donnant sur la cour avaient été verrouillées, etc.

       Le 21 octobre suivant, Georges Guénette est arrêté à Sudbury (Ontario), et le 26 du même mois, il est condamné à 2 ans de prison à passer au pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul après avoir purgé les 4 mois auxquels il avait été précédemment condamné. Nous ne savons pas non plus ce qu’il est advenu du prisonnier par la suite.

Sources :

BAnQ TP9, S23 et TL198, S1 dossier 456, Georges Guénette, 1909. ANQ Gatineau, fonds Cour du Banc du Roi et fonds Cour de magistrat pour le district de Pontiac (Bryson).

L’auteur tient à souligner qu’il a pris connaissance de cette histoire grâce à la collaboration de Jacinthe Duval, archiviste-coordonnatrice aux Archives nationales du Québec à Gatineau.