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Mourir au temps de jadis

Par Le 31/10/2013

Dans Histoire du Québec

            En ce jour de l’Halloween, veille de la Toussaint et avant-veille de la fête des Morts, n’est-ce pas le moment propice pour parler de la mort au temps de jadis ? Voilà un sujet qui ne porte pas à rire, surtout à notre époque, puisque plus d’une personne estime que sa mort est un assassinat ! Aussi la cachons-nous derrière les murs des hôpitaux et des CHSLD. Cela n’a pas toujours été le cas. Ainsi, à l’entrée du cimetière de Montfort-l’Amaury (France) voit-on cette inscription : Vous qui passez ici, priez Dieu pour les trépassés ; ce que vous êtes ils ont été, ce que sont, un jour serez.

             Au XIXe et au tournant du XXe siècle, la mort est une préoccupation de tous les instants. La médecine est alors impuissante. Ainsi, en janvier 1911, un certain Célestin Beaudin, de Hull, qui déambulait dans la rue, a trébuché et dans sa chute s’est tranché le bout de la langue avec les dents. Il saignait tant qu’on a appelé un médecin pour le soigner. Malgré les soins prodigués, Beaudin est mort au bout de son sang le surlendemain.

            Omniprésente est la mort. Par exemple, du XVIIe au XIXe siècle, un prêtre récite cette prière devant le lit des nouveaux mariés :

 Souvenez-vous que votre lit nuptial sera un jour le lit de votre mort... Joignez vos Prières aux nôtres, & demandez à Dieu qu’il vous détourne d’un sort malheureux, qu’il éloigne de vôtre lit & de vos coeurs l’esprit d’Impureté, & qu’il fasse régner celui de la chasteté [...]

                Nombre de prières se terminent alors par les paroles ...et préservez-nous Seigneur de la mort subite. Souvenez-vous des paroles : Nul ne sait ni le jour ni l’heure... Il viendra comme un voleur ! La peur de la damnation éternelle entretient la crainte de la mort subite, sans confession préalable des péchés, sans le temps nécessaire pour faire ses comptes avec le prochain, avec Dieu lui-même (plus justicier que miséricorde).

            Au tournant du XXe siècle, plus de la moitié des mortalités survient chez les enfants de 5 ans ou moins. Pas étonnancyrille-mainville.jpgt alors que l’espérance de vie, en 1901, ne soit que de 49 ans. Diphtérie, typhus, fièvres typhoïdes et tuberculose prélèvent une part importante de la population. Plusieurs maladies ont pour cause des pratiques hygiéniques déficientes.

            Une fois que la mort a fait son oeuvre, les parents proches lavent le cadavre, puis le revêtent de ses vêtements du dimanche. Le cercueil sert alors à enfermer le corps plutôt qu’à l’exposer. Plus tard, le mort sera déposé dans un cercueil peint en noir, placé sur deux chevalets dans le salon du domicile du défunt. Les pompes funèbres ne s’occupaient alors que de la fourniture du cercueil et du transport du défunt à l’église et au cimetière. Ça a été là le début de la marchandisation de la mort.

 Le deuil

            Parents et amis « veillent au corps » jusqu’à trois jours et deux nuits. Accroché à la principale porte de la maison, un crêpe noir, pour les hommes, gris pour les femmes, et blanc pour les enfants, sert à signaler au passant la présence d’un mort. Si une dépouille mortelle gît dans la maison un dimanche, on croit qu’un autre décès sera déploré dans la famille au cours de l’année. On ne cloue jamais le couvercle du cercueil dans la maison ; on attend d’être à un arpent de distance de la maison pour conjurer le sort.

           Après l’inhumation de la dépouille, qui se fait en présence de la famille, les proches parents observent, pendant un an, le grand deuil, et pendant six autres mois le demi-deuil qui permet d’assortir aux vêtements noirs du grand deuil des vêtements blancs ou violets. Quant aux hommes, ils portent à leur bras un brassard noir (et cravate noire).

           À l’origine, le noir des vêtements de deuil servait à marquer les personnes qui vivaient en compagnie du défunt, de façon à les tenir à l’écart, à n’avoir de contact avec elles que de loin et à éviter ainsi toute contagion possible. Les proches du défunt s’interdisaient de sortir ou tout au moins de se mêler à la société des autres pendant un temps déterminé. Pendant tout le temps que durait le deuil (il y a à peine 60 ans), on évite de danser et même d’écouter la radio. Chez certains, on va jusqu’à voiler les sources de lumière et même les miroirs afin que l’âme ne soit tentée de se mirer à loisir, retardant ainsi ou compromettant son entrée au paradis.

           cercueil-1908.jpgAu Québec, on a commencé à embaumer les morts à partir des environs de 1910. Mais la pratique ne deviendra commune que dans les années 1930. L’embaument coûte alors 15 $, un cercueil environ 40 $ et l’enterrement de 2 $ à 10 $. C’est aussi à cette époque que l’on commence à exposer les morts dans des « maisons funéraires », bien que, dans la région, des personnes ont été exposées à la maison jusqu’à tard dans les années 1950.

 Sources :

Documentation personnelle.

Gagnon, Serge, Mourir hier et aujourd’hui, Québec, les Presses de l’Université Laval, 1987.

Les vivants et leurs morts – Art, croyances et rites funéraires dans l’Ardenne d’autrefois, Belgique, Musée Piconrue, Bastogne, Crédit Communal, 1987.