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À la recherche d'une identité

Par Le 29/10/2013

Saviez-vous qu’après le sexe, la généalogie est le sujet le plus populaire sur Internet ? Quand on pense que, sans le sexe, nous n’existerions pas et, par conséquent, la généalogie non plus. Mais si on comprend pourquoi le sexe est si populaire plusieurs se demandent pourquoi la généalogie prend autant de place sur Internet. Sans doute tentons-nous, inconsciemment peut-être, de répondre à trois questions existentielles que l'humanité se pose depuis des millénaires : D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?

 

Et ces questions n’ont jamais été aussi importantes qu’en ce début de XXIe siècle, car tout change maintenant à un rythme effréné, ce qui fait qu’il est de plus en plus difficile de se faire des racines, de s’attacher ou de s’identifier à un lieu. Par exemple, pour une personne vivant à Deschênes depuis une trentaine d’années, son milieu de vie municipal en est à son troisième nom : Deschênes, Aylmer puis Gatineau (on peut dire la même chose de Janesville-Eastview-Vanier-Ottawa et de combien d’autres municipalités…) Ajoutons les multiples autres changements de noms, ceux des hôpitaux par exemple : Hôpital du Sacré-Cœur, CHRO, CHVO et ne parlons pas des commissions scolaires, des CLSC, etc. Même les biblios changent de nom à un rythme foudroyant, par exemple : la bibliothèque de Gatineau est devenue la bibliothèque Avenor, puis Bowater et maintenant Guy-Sanche. Tout ça en une douzaine d’années ! Difficile de se retrouver dans un monde gouverné presque essentiellement par le changement et des valeurs économiques, n’est-ce pas ?

 

Or, on ne peut pas vivre, comme individu, sans s'inscrire dans une lignée, une tradition et un groupe. On est de quelque part et le déracinement ainsi que la mobilité sociale ne font, paradoxalement, que stimuler ce désir de se rattacher à un lieu.

 

D'OÙ VENONS NOUS ?

 

Sur l'arbre de chacun de nous se trouvent perchés, souvent côte à côte, l'ouvrier et le paresseux, la sainte femme et la courtisane, le savant et l'idiot, le curé et le criminel, le notaire et le bourreau. Il n'y a pas de petits rôles dans la comédie humaine. Ne dit-on pas que ça prend de tout pour faire un monde?. Mathieu, l'évangéliste, qui connaissait les Écritures comme personne, nous fait découvrir des personnes peu recommandables dans son énumération des ascendants de Jésus : Thamar l'incestueuse, Rahab la prostituée, Bethsabée l'adultère. Et comme l'a si bien écrit Henri Guillemin : « C'est ainsi, et c'est très bien. Car Jésus-Christ a voulu appartenir au monde tel qu'il est, y compris les coupables. »

 

Wilfrid Raby, chercheur en neuropsychologie à Cleveland, a écrit que : « Nous sommes les récipiendaires d'un terreau génétique d'où peut surgir toute la splendeur de la culture comme toute la souffrance de vivre. »

 

La psychanalyse, toujours en recherche d’explications nouvelles à nos souffrances internes et à nos comportements, découvre petit à petit que des secrets que nous ignorons complètement peuvent nous imprégner et dicter nos conduites à notre insu. Sans rien savoir de ce qui nous a précédé, nous pouvons reproduire les actes, les pensées, les maladresses, les gestes parfois mortels.

 

          L'étude de la généalogie montre que la vie est très complexe. Chacun de nous doit son apparence physique, son comportement psychologique même, au mélange des gênes de milliers voire de millions de personnes. La psychiatre Catherine Bensaid croit que nous avons une mémoire trans-générationnelle qui influe sur chacun de nos actes : nous sommes ainsi conditionnés à répéter certains comportements identiques à ceux de nos ancêtres, à perpétuer à notre insu un mode de pensée emprunté à ceux qui nous ont précédés. Est-ce là ce que d'aucuns appellent le destin? Ajoutons que l'historien et académicien français Georges Duby était convaincu que : « Nous vivons encore portés par tout ce que nos ancêtres très lointains ont fait et pensé.»



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La généalogie en 2013

Par Le 27/10/2013

          La généalogie est l’un des passe-temps les plus populaires des temps modernes. Sa pratique est maintenant renforcée par de nouveaux outils : l’informatique et l’Internet. Dans de nombreux cas, au Québec, on peut dresser une généalogie patrilinéaire en 24 heures. La généalogie est le sujet le plus populaire sur Internet, après le « sexe ».

 

          La généalogie remonte presque au début de l'humanité. La bible en traite d'ailleurs abondamment tant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau. L'histoire de la Grèce antique est aussi remplie de préoccupations généalogiques. Il y a entre les dieux et les hommes un lien généalogique ininterrompu : Héraclès, fils adultérin de Zeus et d'Alcmène, cette dernière simple mortelle et fille du roi Mycènes, était le demi-frère d'Artémis et d'Apollon.

 

          Dans le Nouveau Testament, les évangélistes Luc et Mathieu essaient de démontrer, bien malhabilement, que Jésus a réalisé la promesse des écritures, faite jadis au roi David par l'intermédiaire du prophète Natan qui disait que le roi sauveur attendu devait être un descendant de David. Ils font ainsi une généalogie de Jésus qui établit l'ascendance de Joseph, son père, jusqu'à Adam pour le premier, et à Abraham pour le second. Mais voilà, si Joseph est le géniteur de Jésus, le dogme de la virginité de Marie ne devient-il pas caduc ?

 

          La généalogie est très populaire au Québec parce que les lois françaises se sont longtemps appliquées. Il faut savoir que dès 1539 le royaume de France a ordonné (Villers-Cotterêts) la tenue, par les curés, de registres de baptêmes et de sépultures, puis de mariages. Ainsi, trouve-t-on, au Québec, des registres d’état civil bien conservés qui remontent au premier tiers du XVIe siècle. Or, comme les actes de mariage contiennent les noms et prénoms des parents des mariés, il est donc facile de retrouver les ancêtres d’une famille. D’autant plus qu’au Québec, la femme a toujours conservé son patronyme dans les actes officiels.famille-turgon.jpg

 

          Tous peuvent avoir accès à ces registres, des débuts de la colonie jusqu’en 1941. Il faut savoir que tous les registres catholiques d’état civil du Québec, et une partie des registres de l’Ontario français ont été microfilmés dans les années 1940 et 1950, par l’Institut de généalogie Drouin, puis ont été numérisés il y a quelques années. Tous les actes du Québec ancien (début à 1800) ont même été indexés dans le Programme de recherche en démographie historique (PRDH). De plus, environ 80 p. 100 des actes de mariages célébrés au Québec, du début de la colonie à aujourd’hui, sont relevés dans une base de données appelée BMS 2000.

 

          On trouve de nombreux dictionnaires généalogiques dans nos bibliothèques publiques. Mais les instruments les plus pointus se trouvent dans les sociétés de généalogie locale. Celle de l’Outaouais se trouve à la Maison de la culture de Gatineau http://www.genealogieoutaouais.com/ Pour en devenir membre, il faut verser une cotisation d’une trentaine de dollars par année.

 

          Mais de nombreuses banques de données se trouvent aussi sur Internet et peuvent être consultées contre une somme modique. C’est le cas de celle de BMS 2000 et du PRDH (http://www.genealogie.umontreal.ca/fr/), par exemple. De nombreuses sociétés généalogiques mettent aussi leurs bases de données sur la toile. On peut même faire des recherches d’actes d’état civil et obtenir une copie d’un acte original dans la base de données Ancestry.ca (http://www.ancestry.ca/). Cette base de données est même disponible en… français.

 

          Certaines bases de données vous permettent même d’en connaître plus sur vos ancêtres. Par exemple, vous aimeriez savoir si votre arrière-grand-père a participé à la Grande Guerre comme soldat canadien. Eh bien, vous pouvez consulter la base de données des soldats de la Première guerre mondiale de Bibliothèque et Archives nationales du Canada (BAC) (http://www.collectionscanada.gc.ca/base-de-donnees/cec/001042-100.01-f.php).

 

          Dans cet outil fabuleux qu’est l’Internet, on trouve une banque de données mondiale, GÉNÉANET (http://www.geneanet.org/) qui est… gratuite, car elle contient d’abord les données de tous ceux et celles qui veulent partager leurs données généalogiques. Ainsi, cette banque de données recense-t-elle pas moins de 331 245 556 individus !

Le petit Chicago

Par Le 27/10/2013

          L’ancienne ville de Hull, devenue Gatineau en 2001, a souventes fois eu une triste réputation : ville d’incendies, petit Chicago, capital des plaisirs illicites et même capitale du crime dans les années 1980. Était-ce pire qu’ailleurs ? Sans doute pas. 

 

Plongeons tout de suite au cœur des « belles années » du petit Chicago. Les habitants de Hull, pour la plupart des ouvriers journaliers, dont près du quart sera en chômage pendant la « crise de 1929 », rêvent à des jours meilleurs et salivent devant le train de vie des richards.

 

Il faut dire que les Hullois ont alors devant les yeux une vitrine bien attrayante : de l’autre côté de la rivière des Outaouais, à Ottawa, de belles maisons cossues dressaient leur riche devanture à quelques pas des édifices parlementaires. Là, habitaient les hauts fonctionnaires de la fonction publique canadienne que la crise ne touchera guère. Juste en face de l’un des plus pauvres quartiers de Hull, on apercevait la belle maison du premier ministre du pays – le 24, Sussex –, et la luxueuse ambassade de France. La prospérité de quelques-uns contrastait avec la misère des chômeurs.

 

          Comment faire pour s’enrichir, se demandent certains Hullois ? La solution est simple : faire comme l’élite, c’est-à-dire exploiter son prochain et les lois à son avantage. Par exemple : en plein cœur de la crise financière, un propriétaire de maisons à logements augmente ses loyers de 22 p. 100 en 1931 et de 23 p. 100 l'année suivante ! La Hull Electric Company, propriété de la Canadian International Paper, demande la permission d’augmenter ses tarifs à cause d’un déficit d’exploitation de son service de tramways. Une enquête démontrera alors que la Hull Electric n’a jamais cessé de faire de profits.

 

          Les Hullois ont à portée de main un marché très lucratif : celui du vice. Car, voyez-vous, les heures d’ouverture des débits de boissons alcooliques sont alors plus longues à Hull qu’à Ottawa, et les débits plus nombreux : 1 débit pour 762 habitants à Hull alors qu’il y en a 1/1 194 habitants à Ottawa au cours des belles années du « petit Chicago ». Et même, la prohibition de la vente de l’alcool aura duré beaucoup plus longtemps à Ottawa (1916-1934) qu’à Hull (mai 1918 à juillet 1919). Ainsi donc, c’est par millier que les Ottaviens débarquent alors à Hull pour étancher leur soif insatiable.

 

          Un journaliste du Spectateur écrit en 1909 : « La ville est littéralement remplie de salauds que la police d’Ottawa a chassés de ce côté-ci. La procession des vauriens grossit chaque soir sur les deux ponts qui conduisent à Hull. » On n’hésite pas alors à qualifier Hull de dépotoir d’Ottawa ! Chose à noter, 50 p. 100 des débits de boissons sont alors la propriété d’étrangers, souvent ontariens.

 

          La manne que représentent les fêtards ontariens attire à Hull le crime organisé. Maisons de jeu (dites barbottes) ainsi que les bordels se mettent à pulluler. On les trouve principalement dans la rue du Pont (Eddy), Wellington et d’Youville.

 

De hautes protections

 

          Mais si le crime fleurit à Hull, c’est qu’il bénéficie d’une haute protection. En 1919, un juge sème l’émoi en déclarant en pleine cour que certaines autorités protègent les débits clandestins. Se sentant visé, le conseil proteste de son innocence !

 

          Il y a évidemment des lois au Québec, et quand elles sont appliquées elles montrent que 75 p. 100 des contrevenants sont de l’extérieur de Hull. Elles ne sont pas appliquées parce que les politiciens ont des amis ; ils ne veulent pas amoindrir les profits des tenanciers de débits de boissons, ni fermer les bordels et les barbottes ce qui réduirait l’entrée d’argent dans les coffres de la Ville.

 

          La Police provinciale (PP) tente, tant bien que mal, de faire respecter les lois. Elle traduit les tenanciers devant les tribunaux. En 1930, un journaliste du Droit écrit :

 

Ce matin dès avant dix heures, on pouvait voir une suite de limousines, autos de qualité, stationner en face du Palais de Justice (sic). Évidemment que le commerce n’a pas été à la baisse depuis le commencement de la guerre puisqu’on ne marche qu’en auto de luxe et en limousine. Le coût élevé de la vie et tout le tremblement n’auront rarement de prise sur les basses passions.

 

          Par tous les moyens, les politiciens hullois tentent de soustraire la ville aux interventions de la PP depuis les années 1910 au moins.

 

          En effet, les descentes de la PP ne font pas l’affaire de la Ville (des politiciens et des tenanciers). Que faire alors pour continuer à bénéficier des vices des Ontariens ? Tout simplement contrôler les opérations policières. Les politiciens hullois, qui ont mis à leur main la police locale depuis lesmaire-alphonse-moussette-en-1938-copie.jpg années 1910 au moins, demandent à la PP, par voie de résolution le 9 mai 1936, de cesser ses descentes sur le territoire de la ville de Hull afin de laisser la voie libre… à ses propres policiers ! La PP y consent. Au moyen de son corps de police, la Ville s’assure de bénéficier du crime en évitant de traduire devant les tribunaux ses dirigeants. Ainsi donc, quand la police de Hull fait une descente, elle fait payer une amende fixe aux contrevenants, amende qui entre directement dans les coffres de la Ville tout en évitant de mettre en danger le commerce illicite. Ainsi, en 1937, les policiers procèdent à l’arrestation de 367 personnes pour avoir fréquenté des maisons de jeu et de 1 seul tenancier !

 

          Dès le milieu des années 1930, le maire dicte au chef de police les jours et heures auxquels il doit faire des descentes dans certaines maisons de jeu. Les policiers avertissent désormais les tenanciers des heures auxquelles ils vont procéder aux descentes de police.

 

          Les policiers hullois ne sont pas tous des bénis oui-oui et certains font trop de zèle aux yeux des dirigeants. Ce qui fait qu’en 1939, le maire Moussette abolit le « bureau des détectives » et interdit à la police d’enquêter sur des crimes « vu que cela ne rapporte rien ! »

 

          À partir de la fin des années 1930, des organisations locales lancent une campagne de moralité publique qui culmine à l’automne 1940. 17 000 personnes demandent, au moyen d’une pétition lancée par le Comité diocésain d’action catholique, le nettoyage de la ville. Le maire Moussette répond en déclarant, sans rire, qu’il n’existe aucune maison de jeu à Hull. Les journaux du Canada qualifient Hull de « Beer Town ». Comme au début du siècle, on demande de changer le nom de Hull, qui a mauvaise réputation, pour un nouveau.

 

Un coup de balai

 

        Enfin, les Hullois se décident à changer de conseil municipal. La nouvelle administration, dirigée par le maire Raymond Brunet, demande une enquête publique qui sera conduite par le juge Édouard Fabre-Surveyer. Il rend son verdict en 1943 et tient responsable l’ancien maire Alphonse Moussette et les conseillers Dompierre et Morin qu’il condamne aux frais de l’enquête, d’avoir protégé des maisons de prostitution et de jeu, ainsi que d’avoir entravé les policiers dans leur travail.

 

       En quelques années seulement, le maire Brunet aura réussi à nettoyer la ville en faisant envoyer en prison plusieurs tenanciers de maisons de jeu et de prostitution.

 

        L'histoire montre que nous avons souvent les poiliticiens que l'on mérite. En 1948, le maire Brunet quitte la politique. La population le remplace par nul autre que l’ancien maire Alphonse Moussette qui obtient 64 p. 100 des suffrages ! Et aujourd’hui, comme s’il avait été un héros, un boulevard et un parc portent le nom de Moussette.

 

 

Sources

 

BAnQ, dossiers judiciaires du district de Hull, 1926-1938.

Cellard, André, Le petit Chicago, R.H.A.F., vol 45, no 4, printemps 1992.

Le Droit (Ottawa), 1918-1941.